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Tag: biodiversité

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Face à une surexploitation croissante et aux pratiques destructrices, la pêche artisanale en Afrique, notamment au Cameroun, se heurte à des défis majeurs menaçant la durabilité des ressources halieutiques. Donatien Wembe, océanologue, nous éclaire sur les impacts de la pêche illicite, non déclarée et non réglementée (INN) et propose des solutions pour une transition vers des pratiques plus durables. Entre renforcement des régulations, soutien économique et conservation des écosystèmes, découvrez comment des actions concertées peuvent assurer un avenir viable pour les communautés de pêcheurs africains.

Afrik21 : Quels sont les principaux défis auxquels est confrontée la pêche artisanale en Afrique, et comment ces défis impactent-ils la durabilité des ressources halieutiques ?

Donatien Wembe : La pêche artisanale en Afrique, et plus particulièrement au Cameroun, est confrontée à plusieurs défis majeurs qui ont un impact significatif sur la durabilité des ressources halieutiques. Les principaux défis incluent la surexploitation des ressources et les pratiques de pêche non durables, comme l’utilisation de techniques destructrices telles que la pêche à l’explosif ou l’utilisation de filets à petites mailles qui capturent les juvéniles et les espèces non ciblées. Ces techniques entraînent la dégradation des habitats marins tels que les récifs coralliens et les fonds marins, la réduction des populations de poissons juvéniles, et la diminution de la capacité de renouvellement des stocks. D’autres défis incluent le changement climatique, le manque d’infrastructures et de technologies, les problèmes socio-économiques, les politiques et régulations inadéquates, et la dégradation de l’environnement côtier.

Quelles sont les principales conséquences économiques de la pêche illicite, non déclarée et non réglementée (INN) pour les communautés de pêcheurs en Afrique ?

La pêche INN a des conséquences économiques graves pour les communautés de pêcheurs en Afrique, notamment une perte de revenus due à la diminution des captures et à la baisse des prix du marché causée par l’afflux de poissons illégalement pêchés. Cette pratique entraîne aussi une surexploitation des ressources halieutiques et un déclin de la biodiversité, mettant en péril la durabilité des pêcheries locales. Les pêcheurs artisanaux subissent une concurrence déloyale, aggravant le chômage et la pauvreté, et provoquant des migrations forcées. La pêche INN décourage les investissements locaux, affaiblit les infrastructures de pêche, et exacerbe la corruption et la mauvaise gouvernance, compliquant la mise en place de politiques de gestion durable.

Pour contrer ces effets, il est crucial de renforcer les régulations et la surveillance de la pêche, et de promouvoir la coopération internationale pour mieux coordonner les efforts contre la pêche INN. L’éducation et la sensibilisation des communautés locales sur les impacts négatifs de la pêche INN et les avantages des pratiques durables sont essentielles. De plus, le développement de moyens de subsistance alternatifs est nécessaire pour réduire la dépendance à la pêche et diversifier les sources de revenus des communautés affectées.

Comment la pollution par les hydrocarbures affecte-t-elle les écosystèmes marins et les activités de pêche sur les côtes camerounaises, notamment dans les ports de Douala et Kribi ?

La pollution par les hydrocarbures sur les côtes camerounaises, notamment dans les ports de Douala et Kribi, a des effets dévastateurs sur les écosystèmes marins et les activités de pêche. Les hydrocarbures sont toxiques pour de nombreux organismes marins, causant leur mort ou des effets sub-létaux tels que des anomalies de développement et des maladies. Ils perturbent les chaînes alimentaires en affectant le plancton, entraînant une réduction des populations de poissons et de leurs prédateurs. Les hydrocarbures détruisent également les habitats essentiels tels que les mangroves, les herbiers marins et les récifs coralliens, menaçant la biodiversité locale et la durabilité des écosystèmes marins.

Les activités de pêche sont gravement impactées par la réduction des captures due à la mortalité des poissons et à la contamination des zones de pêche. La qualité des produits de la mer est dégradée, rendant les poissons impropres à la consommation et diminuant la confiance des consommateurs. Les pêcheurs doivent faire face à des coûts accrus en raison de la nécessité de se déplacer vers des zones non contaminées et de réparer ou remplacer les équipements endommagés. Pour atténuer ces impacts, il est crucial de renforcer les régulations, de mettre en place des plans de réponse d’urgence, de restaurer les écosystèmes endommagés et de surveiller en continu les niveaux de pollution et l’état des écosystèmes marins.

Quels sont les principaux leviers politiques et économiques qui pourraient être activés pour soutenir une transition vers une pêche plus durable en Afrique ?

Pour soutenir une transition vers une pêche plus durable en Afrique, il est essentiel d’activer des leviers politiques et économiques spécifiques. Le renforcement des politiques et de la gouvernance est crucial, notamment par l’élaboration de régulations strictes basées sur des évaluations scientifiques, l’interdiction des pratiques destructrices, et la mise en place de périodes de repos biologique pour les stocks de poissons. La surveillance et l’application des lois doivent être renforcées à l’aide de technologies modernes comme la surveillance par satellite et les drones. La participation des communautés locales dans la gestion des ressources halieutiques et la promotion des organisations de pêcheurs sont également importantes. Le soutien économique inclut des subventions pour des équipements durables, des incitations financières, et un meilleur accès aux financements, facilitant ainsi l’adoption de pratiques de pêche durables.

Le développement des capacités et l’éducation des pêcheurs sur les techniques durables, ainsi que l’investissement dans la recherche pour comprendre les écosystèmes marins, sont essentiels. L’amélioration des infrastructures, notamment des chaînes de froid et des infrastructures de transport, aide à réduire les pertes post-capture et à améliorer la qualité des produits. La création de zones marines protégées et la restauration des habitats côtiers sont nécessaires pour la conservation des écosystèmes. Promouvoir le commerce équitable et durable par la certification écologique et l’accès aux marchés internationaux peut également soutenir cette transition. Une approche intégrée et multi-niveaux, impliquant la coopération entre gouvernements, communautés locales, ONG et acteurs internationaux, est cruciale pour assurer la durabilité des ressources halieutiques pour les générations futures.

Propos recueillis par Boris Ngounou

Donatien Wembe : « la pêche INN menace la durabilité des ressources halieutiques »

Face à une surexploitation croissante et aux pratiques destructrices, la pêche artisanale en Afrique, notamment au Cameroun, se heurte à des défis majeurs menaçant la durabilité des ressources halieutiques. Donatien Wembe, océanologue, nous éclaire sur les impacts de la pêche illicite, non déclarée et non réglementée (INN) et propose des solutions pour une transition vers des pratiques plus durables. Entre renforcement des régulations, soutien économique et conservation des écosystèmes, découvrez comment des actions concertées peuvent assurer un avenir viable pour les communautés de pêcheurs africains.

The Development Bank of Southern Africa (DBSA) is taking a major step towards preserving the environment by creating its very first fund dedicated to biodiversity. Backed by seed capital of 50 million South African rand (approximately $2.7 million) from the DBSA Green Fund, the fund aims to attract additional investment to protect the region’s fragile ecosystems.

The DBSA Green Fund, endowed with 1.1 billion rand by the South African government’s Department of the Environment, will be the first source of funding for this new biodiversity fund. This initiative marks a significant commitment on the part of the DBSA to fill the funding gap in the area of biodiversity conservation, which is often overshadowed by climate funds focused on the fight against global warming.
An ambitious financing strategy
To strengthen the fund’s financial capacity, the DBSA plans to approach the Global Environment Facility (GEF) and other private investors. The GEF, with its 186 member countries, has already allocated 8.6 billion dollars over the last 18 years to projects aimed at combating biodiversity loss and land degradation. By attracting additional funding from this fund and other investors, the DBSA hopes to create a sustainable and significant momentum for biodiversity conservation in southern Africa.
To facilitate investor engagement in this new initiative, the DBSA published a white paper this month. This strategic document provides guidance on integrating biodiversity concerns into investment decisions. Michael Hillary, Head of Funding Operations at the DBSA believes that « the fund is one of the first really big steps in taking these things forward. By the end of this year, we’ll start to get a bit more traction. Wealth funds are recognising how essential biodiversity funds are. »

A response to environmental challenges
The creation of this fund comes at a time when investment in biodiversity conservation has been relatively slow to take off compared with climate funds. In southern Africa, deforestation, loss of natural habitats and land degradation threaten many species and ecosystems. The DBSA Biodiversity Fund represents a proactive response to these challenges, aiming to mobilise significant resources for conservation projects on the ground.
By attracting public and private funding, the DBSA hopes not only to protect ecosystems, but also to raise international awareness of the importance of biodiversity. The DBSA’s efforts to create this fund are part of a broader approach aimed at promoting sustainable management of natural resources and combating the harmful effects of climate change.

Fanta Mabu

Faced with the rapid loss of biodiversity in Africa, the protection of wetlands is emerging as a key priority. Musonda Mumba, Secretary General of the Convention on Wetlands, calls for international and local collaboration to preserve these vital ecosystems. From the Gambia to Mozambique, inspiring initiatives are showing the way towards sustainable and participatory management, which is vital for the ecological future of the continent.

Africa’s biodiversity, essential to the continent’s economy and climate resilience, is in serious decline. According to Musonda Mumba, Secretary General of the Convention on Wetlands, the loss of biodiversity in Africa could accelerate under the impact of climate change, with alarming projections indicating that more than half of African bird and mammal species could disappear by the end of the century. This loss also threatens the productivity of lakes and the diversity of plant species.
In an article published on 21 May 2024 on the United Nations (UN) website, the wetlands expert explains the role of these ecosystems in preserving biodiversity. They are home to a wide range of flora and fauna, provide fresh water and food, create jobs and protect local communities from floods and storms. However, these ecosystems are being destroyed at an alarming rate.
Conservation efforts at different levels
Many African countries have taken steps to counter this crisis by developing national biodiversity strategies and action plans. These efforts are aimed at achieving the goals of the Kunming-Montreal Global Biodiversity Framework. Although overall progress is difficult to measure, notable successes have been achieved in restoring threatened species and managing protected wetlands.
International initiatives such as the Ramsar Convention on Wetlands play a key role. For example, cross-border collaboration between Gambia and Senegal has led to the protection of the Niumi-Saloum Ramsar site, which is crucial for regional biodiversity. In Gabon, World Bank-funded projects have strengthened conservation in parks and forested wetlands, reducing illegal activities such as fishing and poaching.
In South Africa, a grant from the Global Environment Facility (GEF) has improved management of the iSimangaliso wetland, creating jobs and training local leaders in effective resource management. Mozambique, through the MozBio programme, has protected various habitats, including coral reefs and national parks, mobilising thousands of local participants in conservation.
The role of local communities
Local communities are key players in the preservation of wetlands. In Angola, the ecologist Fernanda Samuel, through her work with the non-governmental organisation (NGO) Otchiva, has inspired a generation of young people to get involved in conservation. In Uganda, the initiatives of two local women in the Achwa river basin demonstrate the importance of community-based resource management. In Madagascar, the community led by Justin Rakotomanahira has transformed 56 hectares of arid land into a haven of biodiversity, demonstrating the power of local action.
Protecting wetlands is essential to halting the loss of biodiversity in Africa. Efforts must be concerted, involving governments, NGOs, international institutions and above all local communities. Local initiatives, supported by international frameworks such as the Convention on Wetlands, show that collaboration at all levels can reverse destructive trends and preserve the continent’s natural heritage.
Musonda Mumba, with more than 25 years’ experience in environmental management, stresses the need for adaptive governance and the promotion of local knowledge. She believes that close collaboration between local experts, government authorities and international organisations is crucial to the sustainable management and protection of wetlands.
Fanta Mabo

« Saving Africa’s wetlands: a crucial battle for biodiversity »

Faced with the rapid loss of biodiversity in Africa, the protection of wetlands is emerging as a key priority. Musonda Mumba, Secretary General of the Convention on Wetlands, calls for international and local collaboration to preserve these vital ecosystems. From the Gambia to Mozambique, inspiring initiatives are showing the way towards sustainable and participatory management, which is vital for the ecological future of the continent.

Le Centre africain pour le développement durable et l’environnement (CADDE) met en œuvre un programme de trois mois financé par Global Greengrants Fund et visant l’autonomisation des communautés de Mebosso, à travers des activités génératrices de revenus à faible impact sur l’environnement.

Le Centre africain pour le développement durable et l’environnement (CADDE) a organisé du 14 au 16 mai 2024 une formation à l’initiation à l’aviculture des membres de la communauté de Mebosso dans l’arrondissement de Mvangan, département de la Mvila (région du Sud). L’initiative s’inscrit dans le cadre du projet « Lutte contre l’exploitation forestière et faunique non durable autour du Sanctuaire à gorilles de Mengame », encore appelé Lexforest. Le projet Lexforest a été soutenu et financé par la subvention de Global Greengrants Fund (GGF), fondation américaine, pour une durée de trois mois.

L’objectif principal de cette première session de formation est d’impliquer activement la communauté locale de Mebosso à la protection de leur environnement par l’acquisition ou le renforcement des connaissances et des pratiques respectueuses de la nature en matière d’élevage avicole. De façon concrète, l’enjeu est de sensibiliser la communauté locale de Mebosso sur les enjeux de la conservation de la biodiversité et le changement climatique, d’initier la communauté locale à l’élevage avicole respectueux de la nature et de créer une petite ferme école avicole de 100 sujets au sein de cette communauté.

Selon le directeur exécutif du Centre africain pour le développement durable et l’environnement (CADDE), Elie Blaise Pamboundem, le projet vient d’un constat. En tant que membre du comité de surveillance du sanctuaire à gorilles de Mengame, le CADDE a tenu des sessions sous l’impulsion d’Action for Sustainable Development (ASD) à la suite desquelles il a été observé l’action anthropique dans la zone de conservation. « Nous nous sommes rendus compte que le sanctuaire était le théâtre de l’exploitation faunique illégale ou non durable », a-t-il indiqué.

L’objectif visé est l’autonomisation des communautés, des femmes et des jeunes en particulier. Tout en les détournant de la zone de conservation pour poursuivre leurs objectifs de développement. Elles doivent apprendre un métier, le mettre en œuvre pour leur subsistance. Avant, toute la ressource venait de la zone de conservation, nous apprend-t-on au CADDE. Or, l’action anthropique fait en sorte que les habitats des primates soient déplacés et que les animaux qui y vivent prennent d’autres directions, sans oublier les possibilités de  conflit homme-faune. 

La voix des communautés prise en compte dans la sélection des projets

La mise en œuvre du projet Lexforest s’inscrit dans un processus participatif. Le 2 mai 2024, une réunion organisée à Mebesso par le CADDE a permis d’identifier les activités susceptibles de promouvoir le développement des communautés locales à la base. « Il n’était plus intéressant qu’on conçoive des projets à distance pour les implémenter auprès des communautés. Nous avons voulu que l’approche soit participative, inclusive et parte même de la communauté », motive M. Pamboundem. Il est ressorti que la communauté a un souci de formation dans les activités qu’elle a préalablement identifié à savoir l’aviculture, la pisciculture et la formation à la fabrication du savon de manage et des vêtements.

Plus d’une douzaine de personnes constituées des membres de la communauté (dont six femmes) ont pris part aux échanges. « Il est question de passer par des personnes pour atteindre la communauté. On veut qu’à terme, on arrive à mettre en place une ferme avicole soutenue par l’action des communautés. Nous voulons que ces activités durables génératrices de revenus se répandent dans d’autres villages riverains. Et ceci appelle à lancer un cri d’alerte aux autres partenaires techniques et financiers et bailleurs qui peuvent mettre à disposition des financements additionnels pour qu’on structure mieux le projet pour l’étendre à d’autres communautés. Le financement qui nous est alloué ne peut pas adresser toutes les activités en vue », soutient le directeur exécutif du CADDE. 

L’adhésion des populations, facteur de succès du projet Lexforest  

La session de formation animée par Mowam Ousmanou a porté sur plusieurs modules : les paramètres environnementaux qui intègrent le choix d’un site adapté (disponibilité d’eau, accès au poulailler, terrain), les bâtiments construits suivant les normes de l’art (ventilation, rigole, sol…), l’alimentation (besoins alimentaires des poulets de chair, systèmes de distribution de l’aliment), la santé (respect des mesures de biosécurité et des programmes de prophylaxie). « A travers cet élevage, les activités de chasse et de pêche non durables vont diminuer dans la zone. Pendant qu’ils acquièrent de nouveaux revenus, ils vont abandonner de plus en plus le braconnage ou la surpêche », précise le formateur, Mowam Ousmanou. « La plus-value d’une telle formation est que les personnes formées soient portées en capacités. Des revenus seront générés dans le village. Il y aura un effet de masse, car les participants à cette formation vont aller dans leurs familles en former d’autres pour diffuser les modules appris au sein de la communauté, pour que les gens puissent s’intéresser à l’élevage des poulets de chair. Il y a des opportunités autour de ces poulets », poursuit notre interlocuteur.      

Les participants ont trouvé de l’intérêt autour de la formation. « Pendant les fêtes de fin d’année, les gens quittent du village pour aller acheter les poulets en ville. En cours de route, certains poulets meurent. S’il y a un tel projet dans le village qui aboutit à la mise en place d’une ferme, les produits seront disponibles le moment venu et à moindre coût », confie Chimène France Angue. Même son de cloche pour Emile Eba’a, notable à la chefferie de troisième degré de Mebesso. « Le projet est le bienvenu dans notre localité car nos sources de revenus seront diversifiées pour faire vivre nos familles. La pratique de l’élevage va permettre de réduire le braconnage et décourager les jeunes qui partent en brousse. Nous sommes très contents de ce qu’on a appris », manifeste notre source.

Ismaël Sinclair Ondo va plus loin. En tant qu’un facilitateur de l’activité, il a relevé que, jusqu’à présent, les membres de la communauté dépendaient du cacao sur une période de quatre mois au cours de l’année. Durant les huit autres mois, ils tiraient le diable par la queue. « Si nos parents, frères et sœurs parviennent déjà à économiser quelque chose en apprenant, il y aura un impact sur le niveau socio-économique des populations. Avec une activité parallèle, ça permet d’être toujours en mouvement durant les huit autres mois et de ne pas dépendre uniquement du cacao ou de la chasse », ajoute-t-il. 

A l’issue de la formation, les intrants seront mis à la disposition de cette communauté pour que l’activité démarre et que les poulets de chair soient présents sur les tables de la communauté et environs. Les intrants remis seront constitués de 200 poussins pour la phase pilote, de la provende, des vaccins, des antibiotiques et des vitamines pour les poulets de chair. Pour la pisciculture, ils recevront l’appui en construction d’étangs, des alevins et de la provende.

Le sanctuaire à gorilles de Mengame : une zone de clé de biodiversité à protéger

Le choix porté sur le sanctuaire à gorilles de Mengame n’est pas anodin. La biodiversité du sanctuaire est unique en son genre, avec la présence des grands primates de l’Afrique centrale et de l’Ouest : singes, gorilles, éléphants. « Le projet qui est en cours d’exécution est une aubaine pour la zone et pour la zone de Mebosso qui en est bénéficiaire. Si rien n’est fait, on va détruire cette zone de conservation et perdre ces espèces rares en Afrique », explique Elie Blaise Pamboundem, celui-là qui est à la tête d’une organisation de la société civile qui travaille sur les questions de gestion durable des ressources naturelles, avec pour zones d’intervention les départements de la Mvila et de la Vallée du Ntem. 

Le projet Lexforest est aussi une manière de préserver la biodiversité du sanctuaire à gorilles de Mengame, de garder les espèces clés pour que les enfants et petits-enfants des membres de la communauté puissent aussi les voir et que l’activité puisse procurer de l’argent à travers l’écotourisme. A l’issue d’une activité tenue à Sangmelima en septembre 2023, un comité de surveillance du sanctuaire situé entre les départements de la Mvila (80%) et du Dja-et-Lobo (20%) a été mis sur pied. Selon les indications de Global Forest Watch, l’aire protégée a fait l’objet de plus de 1200 alertes consécutives à des actes d’irrégularité observés à l’intérieur du sanctuaire, entre 2021 et 2022. De sources concordantes, le sanctuaire à gorilles de Mengame couvre une superficie de 130 000 hectares de part et d’autre de la frontière entre le Cameroun et le Gabon. La zone abrite quelques 16 espèces de primates, dont le gorille des plaines occidentales. 

Kenfack

Depuis quelque temps, le rythme des pluies a changé et la chaleur est de plus en plus vive dans les villes camerounaises. Une situation catastrophique pour les populations et particulièrement les agriculteurs.

Malheur des agriculteurs

L’air est chaud cette matinée du vendredi au quartier Nkoabang, une localité à l’entrée est de Yaoundé. L’attention des habitants du quartier « Vie continue » est entière devant un drame qui suscite l’étonnement général. Un jeune agriculteur du nom de Yannick, en larmes, vient de perdre près de la moitié de son champ de pastèque. L’exploitation qui tient sur près d’un hectare et demi présente des fruits de couleur vert clair,  fendus et pourrissants. Yannick réside au quartier Santa Barbara, non loin de la Présidence de la République du Cameroun.

Une plantation affectée par les températures élevées © Romulus KUESSIE

 « J’étais juste de passage. Je comptais récolter dans deux semaines », confie l’électricien de formation avec désolation. Il n’y comprend rien du tout. Mais un autre agriculteur sur place estime que c’est certainement dû à la chaleur importante « C’est normal. La pastèque ne peut pas réussir quand la température dépasse déjà 30ºC », s’exclame Mathieu, qui tient un champ d’ananas dans le coin. En effet, l’analyse des données de l’Observatoire National sur les changements climatiques sur la période comprise entre les mois de mars, avril et mai révèle des températures supérieures aux moyennes régionales historiques dans les régions de l’Extrême-nord, du Nord, du Centre, de l’Est, du Sud, du Nord-Ouest, du Littoral et du Sud-Ouest.

Avec l’aval de Yannick, la foule nombreuse entre dans la plantation pour récupérer les fruits qui pouvaient encore l’être. Un peu moins d’une centaine de fruits. Le visage fermé, Yannick en prend deux avant de partir en vitesse sur sa moto. Il se demande comment il fera pour récupérer les près de deux millions de FCFA investis dans son champs.

Ce n’est pas la seule infortune des plantations  attribuée aux températures élevées  dans la ville de Yaoundé. Armand a vu son champ de tomates mourir pratiquement de la même façon à Mfou, une ville située à une vingtaine de kilomètres de Yaoundé. Agriculteur depuis 4 ans dans la localité, c’est la première fois pour lui d’observer des tomates flétrir malgré toutes les dispositions habituelles prises.

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Une plantation affectée par les températures élevées © Agrofarm

« Il est vrai que la pluie est arrivée avec plus d’un mois de retard ; mais je faisais l’effort de bien arroser mes plantes. Certainement c’est la chaleur qui cause tout ça. », déduit celui qui a cultivé la tomate sur un peu moins d’un hectare. Il n’a pas totalement perdu, mais devra re près de la moitié de son exploitation et surveiller davantage son champ pour ne pas perdre totalement comme l’un de ses voisins. En effet, Jonas Eba qui tient un important champ de gombo à Mfou, était si surpris avec l'assèchement total de ses plants qu’il a demandé conseil à ses compères sur les réseaux sociaux « Je ne sais pas ce qui arrive à mon gombo et pourtant je traite ça avec de l'engrais foliaire, l'insecticide et l'anti capside. NB : deux mois déjà qu'ils ont ça », a alarmé Jonas. « Cela est dû à la température qui est vraiment chaude maintenant et le problème d'arrosage. » Lui a répondu Yaroung comme de nombreux autres cultivateurs. Des faits inhabituels que comprend Narcisse Ndjekeu « Les températures élevées sont malheureusement accompagnées de la rareté des pluies ce qui cause un stress hydrique chez les plantes donc le métabolisme est modifié (transpiration élevée sans compensation hydrique) », développe et expert en environnement.

Le phénomène s’est observé dans quasiment toutes les régions du Cameroun. Dans la région de l’Ouest, l’une des principales régions agricoles du pays, des plantations entières ont été affectées par les vagues de chaleur inhabituelles. Certains agriculteurs ayant mis leurs semences en terre à l’entame de la saison agricole en mars, ont vu les graines pourrir du fait des températures élevées. Beaucoup d’autres ont vu les graines qui avaient préalablement germé flétrir. Docteur Narcisse Njekeu pense que la perte totale des plantations est très probable dans cet état de choses. Sauver les cultures Ces dérèglements ne laissent pas les agriculteurs indifférents. Certains comme Jérémie Ndip optent pour diverses techniques de gestion de l’eau, comme l’arrosage et l’irrigation mécanisée pour garder leurs exploitations ; une pratique accréditée par les experts. « La seule solution c'est d'apporter ce qui fait défaut : l'eau. », souligne Docteur Narcisse Njekeu, écologue et expert en environnement. Au-delà de l’humidification des champs, on rencontre des agriculteurs qui misent doublement sur les engrais pour surmonter les problèmes liés aux températures élevées. Une option qui n’est pas toujours sans risques selon une étude dénommée « La mort des sols agricoles » publiée en 2016 dans la revue scientifique Cairn. La production révèle que lorsqu’on apporte de l’eau sur un sol chaud fourni d’engrais, cela contribue à détruire fortement la faune qui se nourrit des sols. Du fait de cette situation en France « La population de vers de terre est ainsi passée de 2 tonnes/hectares à moins de 100 Kg /ha en 50 ans », évoque l’étude. Et pourtant, la faune aère les sols et remonte son poids de terre tous les jours sous forme d’excréments qui sont très riches en éléments nutritifs. Un sol chaud bondé d’engrais perd sa fertilité. Yannick et Jonas n’avaient pas du tout cette information, comme les autres exploitants agricoles de la ville de Yaoundé que nous avons approchés.
Revers sur les citoyens
Les données de l’Observatoire National sur les changements climatiques précisent que 8 régions du Cameroun connaissent d’importants changements, notamment avec les températures plus extrêmes et les pluies moins abondantes. Vivre à Yaoundé, à Douala, à Kribi, Maroua etc. rime désormais avec une canicule presque étouffante jour comme de nuit. On apprend d’ailleurs du bulletin climatique mensuel de l’Observatoire national sur les changements climatiques que le thermomètre a atteint la barre des 47°C dans les régions de l’Extrême-nord et du Nord. De quoi alarmer Pr Olivier Henry, Gériatre et enseignant à la faculté de santé de l'université Paris Est Créteil. « A partir de 38 degrés c’est une hyperthermie. Votre organisme commence à chauffer. Mais à partir de 40° ça ne va pas bien. C’est le coup de chaleur. Il y a des signes d’alerte ; la soif, des nausées, des maux de tête, de la fatigue et un cœur qui bat vite ; une tachycardie ou une respiration qui devient courte », explique le spécialiste. La gravité du contexte n’a pas laissé le ministre camerounais de la Santé publique indifférent. Entre les lignes d’un communiqué rendu public ce 10 mai 2024, le membre du gouvernement reconnaît « les effets néfastes de ce changement climatique sur la santé des personnes » avant d’édicter 8 gestes de prévention à adopter par les populations. Parmi elles, les prescriptions de « boire suffisamment d’eau tout au long de la journée ; éviter les activités physiques intenses pendant les heures les plus chaudes, surveiller les personnes vulnérables, comme les personnes âgées, les malades chroniques et les enfants … », peut-on lire.
Dans le même temps, l’utilisation de certains engrais par les agriculteurs peut entraîner d’autres problèmes. Selon l’étude dénommée « La mort des sols agricoles », l’acidité des sols chauds bondés d’engrais pollue les rivières et les nappes phréatiques. Ce qui induit que l’eau dans ce périmètre est d’une mauvaise qualité et par conséquent impropre à la consommation des usagers. Perspectives

Le ministre Camerounais de l’Environnement, de la protection de la nature et du développement durable a rappelé à l’occasion de la sixième assemblée des nations unies pour l’environnement à Nairobi au Kenya que « La lutte contre la triple crise environnementale (changements climatiques, perte de la biodiversité et pollution), et les soutiens au développement durable restent et demeurent la clé des solutions à tous nos maux (pauvreté, instabilité politique et sociale, insécurité alimentaire avec les impacts sur la santé humaine). », a annoncé Hélé Pierre en février 2024. L’atteinte de ce cap passera par les efforts conjugués de l’Etat et des citoyens camerounais. Les appels à adopter des comportements respectueux de l’environnement ; à savoir la préservation de nos forêts en proie à la déforestation, le planting des arbres entre autres. Il est également fortement déconseillé de consommer des matériaux non dégradables en privilégiant ceux qui sont réutilisables et qui ne risquent pas de se retrouver dans la nature.

Dans une étude publiée ce 9 mai 2024 dans la revue Science Daily, il est établi que cette hausse des températures qu’on observe peut limiter la transmission du paludisme. Le groupe de scientifiques britanniques de l’université de Leeds explique que le manque de précipitations et les pénuries d’eau pourraient limiter la reproduction des moustiques par manque d’habitat. «Avec ces données, vous pouvez non seulement identifier où l’eau va se retrouver dans le paysage, mais également les propriétés de ces étendues d’eau et vous pourrez mieux cibler votre stratégie d’intervention contre le paludisme et l’adapter à ces conditions écologiques », explique Mark Smith, professeur agrégé de l'Université de Leeds et principal auteur de l'étude. De toute évidence, les températures élevées sont fréquemment accompagnées de pluies anormalement fortes qui entraînent parfois des inondations au Cameroun; peut-être une entorse à cette conclusion scientifique.

Par Romulus Dorval KUESSIE


Ce reportage a été réalisé dans le cadre de la bourse Media for Climate Action portée par L' organisation Actions for Development and Empowerment (ADE) financé par L'Ambassade de France au Cameroun et le Conseil pour le Suivi des recommandations du Nouveau Sommet Afrique- France (Conseil NSAF )