Portée par le MINEPDED, ONU-Environnement, et Rainforest Alliance grâce au financement du Fonds pour l’Environnement Mondial (FEM), une formation en apiculture a rassemblé plus de 100 participants dans les hautes terres de l’Ouest Cameroun. En misant sur les abeilles, ce projet vise à préserver la biodiversité, à améliorer les rendements agricoles et à offrir des revenus alternatifs aux communautés locales. Une initiative qui mêle innovation et durabilité pour la gestion des paysages des monts Bamboutos et Bana-Bangangté-Bangou.
Du 4 au 12 décembre 2024, plus d’une centaine de personnes ont été formées en apiculture (élevage des abeilles domestiques), pour assurer une bonne gestion communautaire des paysages des monts Bamboutos et des monts Bana-Bangangté-Bangou dans les hautes terres de l’Ouest. L’activité portée par ONU-Environnement (PNUE) et le ministère camerounais de l’Environnement, de la Protection de la nature et du Développement durable (MINEPDED) sous financement du Fonds pour l’Environnement Mondial (FEM), est implémentée sur le terrain par l’Ong américaine Rainforest Alliance. La formation s’est déroulée dans six localités (Batcham, Bangou, Batchingou, Fongo-Tongo, Bafou et Bangang), avec une ambition commune : contribuer à l’amélioration de la productivité de la filière apicole dans les deux paysages cibles du projet COBALAM, afin de satisfaire la demande en produits de qualité observée sur le plan national et protéger durablement la biodiversité floristique et faunique.
A ce titre, la formation a porté sur les aspects théoriques incluant les généralités sur l’apiculture, les techniques d’installation des ruches et d’utilisation des autres équipements. « L’objectif est de montrer aux apiculteurs que l’abeille est au centre de la biodiversité. C’est leur service de pollinisation qui permet de pérenniser plusieurs espèces végétales et d’assurer la formation des fruits et des graines de bonne qualité », a indiqué Annie Florence Youbissi, ingénieure agro-zootechnicienne, experte en apiculture et consultante pour le compte de Rainforest Alliance.
Une priorité du plan d’actions 2024 de Rainforest Alliance
L’activité de formation sur l’apiculture durable était inscrite dans le plan d’actions 2024 de Rainforest Alliance. Ce d’autant plus qu’elle rentre en droite ligne du résultat 2.1.3 du projet COBALAM relatif au renforcement des capacités d’au moins 10 organisations locales de la société Civile (OSC) et/ou organisations communautaires de base (OCB) et de 3000 utilisateurs des terres et membres de la communauté des hautes terres de l’Ouest et de la région Sud aux pratiques reconnues de gestion durable des terres et de gestion durable des forêts, parmi lesquels les apiculteurs. « L’apiculture fait partie des options pour la conservation et la gestion durable des deux paysages cibles du projet COBALAM. Nous avons débuté les formations en 2002 qui ont suscité beaucoup de motivation et d’autres communautés ont aussi souhaité bénéficier de ces formations. C’est la raison pour laquelle nous avons organisé ces formations qui se déroulent depuis environ deux mois », souligne le coordonnateur des activités de Rainforest Alliance dans les hautes terres de l’Ouest, Jacques Waouo.
La méthodologie de travail a débuté par un diagnostic (du 30 septembre au 13 octobre 2024) des pratiques apicoles des apiculteurs, pour voir si ceux qui sollicitent la formation sont des apiculteurs et s’ils sont motivés à améliorer leurs pratiques. Ce diagnostic a révélé entre autres : la faible productivité des ruches, la non-maîtrise des bonnes pratiques apicoles par plusieurs acteurs, la non-disponibilité du matériel approprié (ruches, supports de ruches, tenues de protection, enfumoir, gants, lève cadre, brosse abeille, seaux de récolte ; pressoirs, tamis filtre double, mâturateur, cérificateur solaire et bouteilles de conditionnement, etc….) pour optimiser la production auprès des producteurs et assurer la meilleure qualité des différents produits apicoles. En outre, la plupart des ruches traditionnelles sont très vieilles pour un rendement optimal, tandis que le non-respect des dimensions standard de certaines ruches lors de la fabrication est manifeste.
Dans la foulée, les données ont été collectées auprès de plusieurs apiculteurs dont les hommes et les femmes. Par ailleurs, les visites de certains ruchers ont permis de mieux comprendre certaines pratiques. « Après ce diagnostic, nous avons organisé une première formation sur les généralités de l’apiculture et la transformation des produits de la ruche. Tout part des options de conservation qui ont été validées par les parties prenantes du village, parmi lesquelles celles qui avaient sollicité les formations en apiculture », fait observer Jacques Waouo.
Satisfecit des bénéficiaires sur la qualité de la formation
Au terme de la formation, les participants ont exprimé leur satisfaction au sujet des modules dispensés. « On nous a appris à faire du miel bio, c’est-à-dire sans couper les arbres. Même sur le plan financier, l’apiculture rapporte de l’argent. Avant, je pratiquais l’apiculture de manière traditionnelle. Désormais, je vais améliorer mes pratiques et demain je deviendrais un apiculteur professionnel. J’ai actuellement plus d’une centaine de ruches traditionnelles », a confié Jean-Bosco Tsona (47 ans), délégué du GIC Sezono (C’est Dieu qui connaît ses choses, ndlr), situé dans le village Bazuintim du groupement Bangang, arrondissement de Dschang, département des Bamboutos. « Grâce à la formation, j’ai appris à fabriquer les ruches modernes et à les nettoyer. Au niveau de la transformation, Rainforest Alliance pourra à l’avenir nous donner du matériel pour transformer le miel et avoir une meilleure qualité », poursuit notre interlocuteur qui pratique l’apiculture depuis l’âge de 17 ans et est polygame avec sept enfants. Phalone Tchinda, agricultrice formée en apiculture ne tarit pas d’éloges. « Nous avons appris comment élever l’abeille. La formation est très enrichissante. Avant, on ne savait même pas ce que représente l’abeille. Or, sans l’abeille, on ne peut pas vivre. L’abeille apporte beaucoup de choses. Nous souhaitons évoluer dans ce secteur. Comme nous sommes généralement des agricultrices, nous allons associer l’apiculture pour progresser et avoir de nouveaux revenus pour nourrir nos familles », déclare notre source.
Une autre approche de travail privilégie les groupes organisés (GIC ou coopératives). « Nous apportons les bonnes pratiques pour que les bénéficiaires de la formation puissent améliorer leurs conditions de vie. On ne vient pas donner du poisson, mais on apprend les autres à pêcher », a insisté M. Waouo. Rainforest Alliance a également encouragé les bénéficiaires à diffuser la formation reçue auprès des autres membres de la communauté, même à leurs enfants pour préparer la relève. L’initiative pouvant aider à gagner sa vie et à se réaliser.
La plus-value socio-économique et environnementale de l’apiculture
L’option de l’apiculture n’est pas un fait du hasard. L’abeille est au centre de la biodiversité, apprend-t-on des experts. C’est son service de pollinisation qui permet de pérenniser plusieurs espèces végétales et d’assurer la formation des fruits et des graines de bonne qualité. « En produisant un kilogramme de miel, l’abeille doit butiner environ 5 600 000 fleurs. Et on peut évaluer la plus-value que l’abeille apporte aux denrées alimentaires. Si nous mettons sur une balance 5 600 000 graines ou fruits produits par rapport à la valeur d’un kg de miel, on se rend compte que l’abeille abat un travail merveilleux, mais qui est négligé par la population », souligne à grands traits Mme Youbissi, consultante. « A partir des formations de Rainforest Alliance, j’ai compris ce que c’est que l’abeille qui fait beaucoup de bien à l’Homme. Sans l’abeille, l’Homme ne peut pas durer sur terre. C’est elle qui nous donne les fruits et le miel. Ce miel a beaucoup de vertus. L’abeille produit de la gelée royale qui est utilisée pour la santé humaine. La propolis aussi est un grand remède », a confirmé M. Tsona du GIC Sezono.
Selon les sources officielles, l’apiculture joue aussi un rôle crucial dans la pollinisation des cultures, ce qui est essentiel pour la biodiversité et la sécurité alimentaire. A titre indicatif, 80% des cultures fruitières, légumières, oléagineuses et protéagineuses sont dépendantes des insectes pollinisateurs, dont l’abeille domestique est le chef de file. L’abeille intervient également comme sentinelle et donne l’alerte pour les atteintes à l’environnement et la biodiversité. Un autre bienfait de l’apiculture qui ne laisse personne indifférente repose sur l’amélioration des revenus économiques. « L’idée derrière la formation dispensée est de créer des activités génératrices de revenus, afin qu’en dehors des activités agricoles que les populations mènent, qu’elles aient une autre alternative pour améliorer les revenus au niveau des ménages et pour permettre qu’elles puissent rejoindre la coopérative des apiculteurs des monts Bamboutos mise en place dans le cadre du projet COBALAM », soutient Jacques Waouo. Et de poursuivre : « Il est question d’avoir une production importante et de chercher à labéliser ce produit qui sera spécifique soit pour les monts Bamboutos, soit pour les monts Bana-Bangangté-Bangou ».
Dans un tel registre, les produits apicoles comme le miel, le vin de miel, la cire d’abeille, le pollen, la propolis, la gelée royale et le venin d’abeille sont des niches d’opportunités additionnelles à côté de l’agriculture. « La transformation du miel en produits dérivés tels que le lait de toilette, le vin de miel que nous appelons communément hydromel, le savon de toilette, les baumes de massage, l’extrait de propolis et même les bougies permettent également aux apiculteurs d’apporter une plus-value à leurs produits », martèle Mme Youbissi.
La consultante a réitéré le fait qu’il soit possible d’alterner agriculture et apiculture. « Si nous prenons un épi de maïs d’une zone qui a été visitée par les abeilles et un épi d’une zone non visitée par les abeilles, il y aura une différence palpable, car les graines sont beaucoup plus grosses et bien serrées pour les graines butinées par les abeilles. Par contre, les graines seront parsemées sur l’épi de maïs non butiné par les abeilles », précise Annie Florence Youbissi. In fine, l’Ong internationale Rainforest Alliance finance la mise en œuvre des activités apicoles dans le but de générer des revenus alternatifs aux communautés, mais également de contribuer à la gestion durable du paysage, donc de la préservation de la biodiversité.
Portée par le MINEPDED, ONU-Environnement, et Rainforest Alliance grâce au financement du Fonds pour l’Environnement Mondial (FEM), une formation en apiculture a rassemblé plus de 100 participants dans les hautes terres de l’Ouest Cameroun. En misant sur les abeilles, ce projet vise à préserver la biodiversité, à améliorer les rendements agricoles et à offrir des revenus alternatifs aux communautés locales. Une initiative qui mêle innovation et durabilité pour la gestion des paysages des monts Bamboutos et Bana-Bangangté-Bangou.
Plus d’un millier de fils et filles d’Avébé et de Meyos III, dans le département du Dja et Lobo, région du sud, revendiquent leur quelque 1500 hectares de terrain spoliés par le Français Pascal Gérard, spécialiste de la chasse sportive, aujourd’hui entrepreneur agricole.
Par Adrienne Engono Moussang avec l’appui du Rainforest Journalism Fund et Pulitzer Center
En cet après-midi très ensoleillé du 28 juin 2023, Marie Virginie Meboua Mengue ne sait plus où donner de la tête. Née il y a environ 65 ans à Avébé, village situé à une centaine de kilomètres de Sangmélima, dans la région du sud, celle dont le nom Meboua signifie pauvreté dans la langue locale, est revenue sur sa terre natale après un mariage cauchemardesque dans lequel elle a perdu son bras gauche, tranché par son compagnon. La désormais manchote a misé sur les activités agricoles pour survivre, Mais depuis 2016 c’est la désillusion ; « Je n’ai plus droit d’accéder aux parcelles de ma mère, même faire de la petite pêche est impossible. Nous devons franchir des barrières pour circuler dans notre propre village. La pauvreté est devenue ambiante », crie la dame que nous avons rencontrée à Avébé à la date sus-citée. Un cri qui est celui de plus d’un millier de natifs d’Avébé et de Mayos III. Ces populations (bantous et autochtones) qui pratiquaient l’agriculture, la chasse, la pêche et de cueillette en toute quiétude et jouissaient des revenus pour se soigner, se nourrir et envoyer leurs enfants à l’école.
Mais l’arrivée de Pascal Gérard, Français d’origine, promoteur de Ndjilla Safari, société de chasse sportive qui va devenir Rubbercam par la suite et s’investir dans la culture de l’hévéa et de la banane plantain va tout basculer. Emmanuel Okono, notable à Avébé, rappelle, en quelques épisodes, la genèse de cette filouterie foncière d’un autre genre : « Jean Claude Okono, qui représente Ndjilla Safari, nous a rencontrés, disant qu’ils avaient besoin de terrain pour construire une base-vie pour la chasse sportive. Nous lui avons demandé d’utiliser deux hectares. Mais, lorsque la commission est descendue pour délimiter cette parcelle, elle a constaté qu’ils avaient pris plutôt dix hectares, donc huit hectares en sus. Après discussion, nous avons signé les documents pour les dix hectares. Mais, alors la société n’a rien réalisé de tout ce qu’elle nous a promis (école, centre de santé, adduction d’eau…), on entend parler de la création d’un champ d’hévéa. Un de nos parents, paix à son âme, avait dit qu’il n’était pas prêt à continuer cette collaboration parce que la société Ndjilla Safari avait montré sa mauvaise foi en passant de deux, comme convenu au départ, à dix hectares sans notre consentement et que, parler d’hévéa signifie que cette entreprise mijote un autre coup qu’il va nous asséner », relate le notable.
Un bœuf, du riz, du poisson et quelques litres de vin contre 1000 hectares « Bien qu’étant notable, dit-il, je n’ai pas les dessous de la négociation. J’avais quand même appris que le chef du village et un autre frère s’étaient rendus à la rencontre du « Blanc » à Yaoundé. Nous avons été obligés de signer les documents. Ils nous ont donné du riz, du poisson et un bœuf. Lorsque les autorités administratives sont entrées en jeu, nous n’étions plus au courant de rien. On nous a seulement dit que c’était le projet du président de la République. On nous dit que l’hévéa rend le sol infertile. Comment allons-nous vivre si nous ne faisons plus nos champs ? », s’interroge Emmanuel Okono. Qui dit ne pas voir claire pour la jeunesse d’Avébé et de Meyos III qui de plus en plus veut investir dans les activités agropastorales.
Cette jeunesse qui s’inquiète déjà, elle aussi de son avenir. « C’est du jamais vu qu’un beau matin, vous apprenez que vos terres ne vous appartiennent plus et lorsque vous voulez en savoir plus, les autorités censées protéger les hommes et leurs biens vous intimident. J’ai une compagne avec trois enfants, avec quoi vais-je les nourrir ? On commence à comprendre que les chefs traditionnels ne sont pas pour leur jeunesse. Nous fondons beaucoup d’espoir sur la démarche du Comité de développement d’Avébé », indique.David Bille Fils, plus jeune notable de la chefferie de Meyos III. Il a été parmi ceux qui se sont opposés à la présence de Ndjilla Safari devenu Rubbercam dans son village. Seulement, le mouvement va être étouffé par le sous-préfet de l’époque. « Pendant que nous nous opposions à la présence de Rubbercam, qui était Ndjilla Safari au départ, sur nos terres, le chef et les notables sont allés rencontrer le sous-préfet et ils sont revenus avec un message de celui-ci qui demandait d’éviter des bruits parce que 2018 est une année de l’élection présidentielle. C’est ainsi que plusieurs d’entre nous se sont désolidarisés. Nous avons encore tenu pour quelques jours et nous avons, nous aussi, abandonné », se souvient celui qui soutient que le projet RubberCam a brûlé toutes les étapes réglementaires pour son lancement. « Si nous nous battons pour la terre aujourd’hui, que vont faire les générations futures dans un village où pareille chose était inimaginable il y a quelques années encore ? Ils nous interdisent de côtoyer leur champ pour ne pas les contaminer », indique le jeune notable et fils du chef de Meyos III.
Dans le village Avébé, l’on reconnaît juste avoir reçu un bœuf, du riz, du poisson et quelques litres de vin contre 1000 hectares. Plus grave encore : « cette entreprise est sur nos terres, mais elle ne nous donne même pas le moindre avantage. Moins de dix fils du village y ont été embauchés. Nous souffrons, nous sommes réduits au jardinage. Nous avons juste quelques tiges de manioc, insuffisant pour le maintien. Nous sommes presqu’asphyxiés et abandonnés à nous-mêmes. », se plaint Joséphine Minko, Epse Minkoué, habitante d’Avébé. Le rôle trouble des différents acteurs. Selon les villageois, trois autres sous-préfets ont été nommés à la tête de l’arrondissement de Djoum après le départ de celui qui avait validé l’escroquerie foncière de Pascal Gérard à Avébé et à Meyos III. L’actuel en poste, qui souhaite que seule la réglementation en vigueur prévale, veut d’abord voir clair sur ce dossier. D’où son silence face aux médias. C’est la même attitude qu’il a recommandée aux chefs des deux villages concernés, en tant qu’auxiliaires de l’administration. Or, le chef d’Avébé est accusé d’avoir agi seul pour brader le terrain à Ndjilla Safari/RubbenCam. « Nous sommes informés de la supercherie lorsqu’après une rencontre avec le « Blanc », promoteur de la société, un des notables qui ont accompagné le chef d’Avébé ne trouve pas normal de recevoir 50.000 FCFA (environ $100 USA) sur le million FCFA ($2000 USA) qui leur auraient été remis par l’entrepreneur », révèle un membre du comité de développement du village Avébé. Mais le chef, Raymond Nyangono Oleme, que le sujet fâche, a opté pour le silence. Des documents paraphés uniquement par le sous-préfet L’avis de la commission qu’avait présidée le sous-préfet présent à l’époque des faits indique que : « La commission ayant constaté l’effectivité des mises en valeur, elle émet, par conséquent, un avis favorable à la demande de titre foncier. » « Directement titre foncier, au lieu de concession ! de M. Ndjilla Safari, une entreprise qui devient un individu ! » s’indigne un fils d’Avébé.
-Sur ce même avis, ni la signature du responsable du ministère des Domaines du Cadastre et des Affaires foncières (Mincaf), ni celle de celui du ministère du Développement urbain et de l’Habitat (Minduh) ne figure. Le préfet, seul représentant de l’Etat dans la localité, a signé. « Pour une telle superficie, plus de 50 hectares, la procédure normale est celle de la concession provisoire (procédure par laquelle l’Etat autorise toute personne qui le désire et qui a un projet de développement de cinq ans sur un espace du domaine national de deuxième catégorie c’est-à-dire une terre libre de toute occupation).» explique un cadre au Mincaf. Le ministre, apprend-on, a désigné des responsables pour suivre de près cette affaire.« Quand on a fait une demande visant à bénéficier d’une concession provisoire, les autorités habilitées à l’accorder sont, d’une part le ministre des domaines, du cadastre et des affaires foncières lorsque la superficie demandée est inférieure à 50 hectares; lorsqu’elle est supérieure à 50 hectares, c’est le président de la République », ajoute notre source qui fait référence à l’ordonnance de 1974 portant régime foncier ainsi d’autres textes comme celui de 2005. Notre interlocuteur précise que « la concession provisoire est attribuée sur convocation du préfet saisi par le chef de service départemental des domaines. La commission consultative descend sur le terrain et transmet au ministre des domaines un procès-verbal avec avis motivé sur le statut juridique du terrain et la faisabilité du projet sur cette parcelle. »
Composition du dossier de demande de concession :
-une demande en 3 exemplaires sur des formulaires spéciaux ;
1 photocopie de la CNI ou permis de séjour du demandeur où le statut de la société et le mandat qui le représente.
– 1 croquis du terrain (4 exemplaires)
– 1 programme de remise en valeur faisant ressortir les étapes de sa réalisation
– 1 devis estimatif et explicatif des travaux à réaliser
– le dépôt auprès du chef de service départemental des domaines compétent contre récépissé.
Des neveux du village Avébé
L’on relève aussi que le géomètre qui paraphe l’avis de la commission exerce en clientèle privée. D’où cette autre question posée par un fils d’Avébé: « Doit-on envoyé un document aussi léger à la hiérarchie pour la validation de la cession de tant de terre à un inconnu ? » Un inconnu ! Jusqu’au 30 juin 2023, ni Ndjilla Safari ni RubberCam Sarl ne figurait dans le fichier des entreprises au Cameroun. Et les propos de son directeur général, joint au téléphone par notre équipe le 29 juin dernier, l’atteste à suffisance : « Tout est mis en place pour les impôts (…) une délégation était sur ‘le terrain pour sa superficie, le cadastre, etc. », lâche celui qui a confessé n’être qu’un employé, avant d’annoncer la présence de Pascal Gérard au Cameroun dans les prochains jours, et de promettre qu’une fois arrivé, il nous reviendra. Promesse jusqu’ici non-tenue.
Pascal Gérard (qui n’a jamais répondu aux messages que nous lui avons envoyés) et son groupe auraient donc opté pour des intermédiaires sans légitimité pour ce type de dossier. Aussi se sont-ils contentés de traiter avec des neveux du village Avébé pour acquérir leur parcelle. A Avébé, on peut voir deux cases en matériaux provisoires construites par lesdits neveux. Ceux-ci, apprend-on, bénéficieraient des avantages de cette société et auraient pu investir dans les grandes villes. Aucune des filles d’Avébé allée en mariage dans d’autres contrées n’a jamais bénéficié d’une dotation de 1000 hectares, étant donné que les hommes eux-mêmes ne peuvent pas rêver d’un tel privilège. Joint au téléphone par notre rédaction,l’un d’eux s’est contenté de dire qu’il y a un fils d’Avébé qui organise une campagne de dénigrement du projet de RuberCam appelé à booster le développement du village. Le chef du canton Zaman Nous avons tenté en vain de joindre directement Ruth Amba Ngo’o, chef du canton Zaman dont dépendent Avébé et Meyos III. Néanmoins, dans un entretien avec un confrère en janvier 2023, celle qui est présentée comme l’auteure de la transaction se confesse. « Pascal Gérard, à qui appartient cette société (Ndjilla Safari Ndlr), est venu me voir accompagné de son chauffeur, Jean Claude Okono, sur ordre du sous-préfet de l’époque, qui lui avait dit que je pouvais lui trouver un espace pour faire un champ. Je leur ai demandé d’aller après la rivière qui sépare le village Avebé de Meyos III, dans un bosquet qu’ont hérité mes aïeux, de regarder de gauche à droite et de voir où ils pouvaient s’installer. Ils voulaient 1000 hectares et les 1000 hectares existent bien au village Adouma. Ils n’avaient pas à se retrouver à Meyos III ou encore à Avebé », tranche l’autorité traditionnelle.
Mme le chef de canton de Zaman est convaincue que l’entrepreneur et son chauffeur ont été attirés par la piste tracée par l’exploitant forestier Sibois pour s’installer à Meyos III, qu’elle qualifie de victime. « Cette histoire a déjà créé beaucoup de tiraillements. Pascal Gérard était ici (en janvier 2023), il reviendra en décembre. Le sous-préfet est là. Je dois reconnaître que les cris des populations de Meyos III sont légitimes. C’est un village peuplé et les jeunes qui veulent investir dans l’agriculture ne doivent pas être bloqués. Pascal Gérard est allé au-delà des limites du terrain qu’il devait exploiter comme je lui avais proposé. Je n’ai jamais demandé à cet expatrié d’aller s’installer à Mayos III ni à Avébé, comme j’entends dire. C’est vrai qu’il y a eu des dédommagements, des femmes qui ont perçu deux millions et demi de francs Cfa (à peu près cinq mille dollars, Ndlr). Mais qui peut se nourrir pendant tout une vie avec cette somme ? », s’interroge le chef du canton Zaman. Ruth Amba Ngo’o souhaite que des solutions définitives soient trouvées avec la contribution des autorités administratives, le sous-préfet de Djoum en l’occurrence et les agents du ministère des Domaines du Cadastre et des Affaires foncières. Lesquels, selon ses dires, ont été éconduits par des fils de Meyos III en janvier dernier lorsqu’ils ont voulu placer des bornes sur la parcelle querellée. C’est aussi le souhait des populations des deux villages qui sont allées plus loin en recourant aux organisations de la société civile (Osc). C’est ainsi qu’une Osc leur a proposé un début de solution dans la cartographie participative. Des populations qui Suggèrent par ailleurs que : « Ce que nous demandons, c’est de devenir nous aussi actionnaires dans ce projet qui utilise nos terres. On croyait que c’était pour le développement du village, mais à l’allure où vont les choses, il nous appauvrit. Nous avons été dupés. »
Procédure judiciaire Deux actions ont jusqu’ici été menées par le Comité de développement d’Avébé, qui représente les populations dans ce dossier, par le biais de son président, Emmanuel Afane Mekoua : d’une part une citation directe à l’encontre des responsables de la société Ndjilla/Rubbercam et leurs complices, à savoir Pascal Gérard et Jean-Claude Okono, par devant le tribunal de première instance de Djoum, statuant en matière correctionnelle. Malheureusement, le président de l’ADA étant tombé malade en 2018, il n’a pas pu suivre le procès jusqu’à son terme. Cependant, il dit attendre la notification du jugement par le tribunal afin d’exercer éventuellement les voies de recours. D’autre part, en 2018, l’ADA, par la voie de son conseil Me Emmanuel Simh, a saisi le tribunal administratif du Sud à Ebolowa en recours contentieux, après le recours gracieux demeuré sans suite, pour l’annulation de la levée de la suspension des travaux sur les différents sites querellés par le sous-préfet de Djoum, pour excès et abus de pouvoir. A ce jour l’affaire demeure pendante, et l’on attend plus que son enrôlement par le greffier en chef de ladite juridiction afin que s’ouvrent les débats.
Plus d’un millier de fils et filles d’Avébé et de Meyos III, dans le département du Dja et Lobo, région du sud, revendiquent leur quelque 1500 hectares de terrain spoliés par le Français Pascal Gérard, spécialiste de la chasse sportive, aujourd’hui entrepreneur agricole.
Au Cameroun et en République démocratique du Congo la disparition rapide des forêts sacrées inquiète toutes les instances. Lieu de rites ancestraux et de pratique sacrificielle, les forêts sacrées subissent de plus en plus de pression au péril de leur biodiversité et de leur rôle écologique. Pour inverser la tendance, chefs traditionnels, société civile et gouvernements multiplient les initiatives. Les détails dans ce grand format, signé Boris Ngounou et Myriam Iragi, avec le soutien du Rainforest Journalism Fund et du Pulitzer Center.
Au Cameroun et en République démocratique du Congo la disparition rapide des forêts sacrées inquiète toutes les instances. Lieu de rites ancestraux et de pratique sacrificielle, les forêts sacrées subissent de plus en plus de pression au péril de leur biodiversité et de leur rôle écologique. Pour inverser la tendance, chefs traditionnels, société civile et gouvernements multiplient les initiatives. Les détails dans ce grand format, signé Boris Ngounou et Myriam Iragi, avec le soutien du Raindforest Journalism Fund et du Pulitzer Center.
Au sud du Cameroun, l’écotourisme des tortues marines et des picathartes est l’un des leviers de lutte contre la pauvreté et l’exploitation forestière illégale.
L’expérience vient de la petite commune de Campo, au Sud du Cameroun, à la lisière avec la Guinée équatoriale. La municipalité à la façade côtière est frappée dans sa partie forestière, par une intense activité illégale de son bois. Chaque année, des milliers de mètres cube d’essences sortent de la forêt tropicale en billes, en équarris et en planches pour rallier Yaoundé, puis Douala, où elles seront soit vendues, soit embarquées pour l’Europe ou l’Asie. A la manœuvre de cette activité qui fait perdre chaque année à l’Etat du cameroun, selon l’ANIF, l’Agence nationale de l’investigation financière, environ 33 milliards de fcfa, des entreprises étrangères, mais aussi des locaux. A cela s’ajoute le fait que cette activité illégale, ne bénéficie pas aux communautés villageoises. Mais depuis quelques années, la lutte contre ce phénomène porte peu à peu, mais timidement ses fruits. Grâce au concept d’écotourisme des tortues marines, les villageois reconnaissent que l’exploitation forestière illégale, a baissé dans la contré.
Ebodjè, le village des tortues
Ebodjè est un petit village de plus de 1000 habitants, arrosé par les eaux de l’atlantique. Chaque année entre le mois de mars et celui de septembre consacrés la période de ponte des tortues, la petite bourgade enregistre un grand nombre de touristes. «L’écotourisme des tortues marines a changé Ebodjè », confie Oscar, un habitant du coin. « Dans ce village, il y a plusieurs jeunes qui ont fini leur cycle secondaire à l’école grâce au système de parrainage. Un pécheur qui attrape une tortue, la remet au touriste. Celui-ci, la soigne puis la relâche dans la mer. Et en contrepartie, le touriste prend en charge la scolarité d’un enfant de la famille de ce pécheur. Ce système de parrainage d’enfant a permis subtilement de convertir plusieurs dans nous qui exploitions le bois illégalement à nos risques et péril, de sortir du ‘‘maquis’’ et trouver autre chose à faire», explique l’ancien exploitant.
A Ebodjè, il a fallu plusieurs années de sensibilisation pour apprendre aux villageois à protéger ce mammifère aquatique, jadis consommé comme nourriture. Le projet initié en 1998 par une fondation néerlandaise est assuré aujourd’hui par l’ong « Tube Awu ». Selon Albert Ndomi Yavoua, l’un des conservateurs de la case des tortues d’ebodjè, « tous les touristes qui arrivent à Ebodjè viennent pour une seule raison, admirer les tortues. Le village s’est donc saisi de la brèche, pour capitaliser cette opportunité, afin de sortir les jeunes de la forêt, tout en luttant contre la pauvreté, à travers la petite économie bâtie autour de la tortue »
Une communauté organisée
La communauté d’Ebodjè est organisée autour de deux associations écotouristiques locales appelées: Ebotour et Tubu Awu. C’est en réalité elles qui gèrent les activités en accord avec les populations qu’elles consultent sur toutes les décisions relatives au fonctionnement du projet autour de la tortue. Une partie des revenus issus de l’écotourisme est versée directement aux villageois, et l’autre sert à financer des projets communautaires.
Un peu partout au village, les familles ont aménagée des chambres pour visiteurs, des petits restaurants ont vu le jour et proposent des mets locaux. Tout autour, d’autres activités telles que des excursions en forêt avec des guides, des balades dans les chutes de la lobé, sont autant d’activités, qui occupent aujourd’hui d’anciens exploitants forestiers.
Nkoelong et ses Picathartes
Le Picatharte est un oiseau aussi atypique que son nom l’indique. Surnommé, le fantôme gris des forêts d’Afrique centrale à cause de sa rareté, le petit oiseau se déplace silencieusement à l’intérieur de la forêt, s’associant parfois à des colonies de fourmis ou de vers qu’il dévore.
Au village Nkoelong dans commune de campo, les communautés ont fait de lui, leur levier économique et l’oiseau rare attire des touristes. Avec son dos gris, ses parties inférieures pâles, sa tête chauve-bleue et rouge-noire constituent un attrait pour des visiteurs. « Si les blancs partent des États-Unis pour voir le picathartes ici au village, cela signifie que cet oiseau est une vraie richesse pour nous. On doit le préserver », explique Théophile, un vieux notable du village. Et chaque année, l’arrivée des touristes pour des populations constitue des meilleurs moments d’affaires
Toutefois, préserver, cette richesse passe par la préservation de la forêt, seul écosystème des picathartes. Dans la localité, les communautés se sont constituées en défenseur de l’environnement.
Inquiétudes des communautés!
Le 6 mai 2022, le gouvernement camerounais a signé une convention d’exploitation minière avec une entreprise chinoise. Un projet qui, selon le gouvernement «devra apporter à termes au moins 500 milliards de fcfa au Cameroun », ainsi que des milliers d’emplois aux jeunes. Mais pas assez pour convaincre la population d’Ebodjè, à une cinquantaine de kilomètres de Kribi.
13 mai 2022, le chef du village Ebodjè a rendu public un mémorandum signé par sa communauté. Les populations attirent l’attention des pouvoirs publics sur les risques que fait peser ce projet minier, sur ce qui constitue l’attraction touristique du village. «La disparition progressive des espèces rares des tortues marines protégées et des sites touristiques naturels est imminente» s’inquiétait Christian Ndjokou Djongo, le chef traditionnel d’Ebodjè. Pour lui, les tortues et les touristes ont droit à des espaces de repos. Les habitants d’Ebodje rappellent que la zone d’exploitation minière est située à une vingtaine de kilomètres de leur terre. Toute chose qui pourrait avoir des incidences directes sur leur espace géographique, sur leur activité touristique et par effet d’engrenage, sur sa population.
‘‘L’écotourisme peut motiver les collectivités locales à maintenir et protéger les forêts et la faune’’
Selon le Partenariat de collaboration sur les forêts (PCF), le tourisme a montré sa résilience dans le contexte actuel de ralentissement économique mondial. Globalement, l’industrie du tourisme a généré plus de 1000 milliards de dollars en 2010, d’après l’Organisation mondiale du tourisme. Et la part du tourisme dans les pays en développement etait en hausse constante, passant de 31% en 1990 à 47% en 2010.
L’écotourisme, caractérisé par le concept de voyage responsable dans les espaces naturels qui favorisent la conservation de l’environnement, est l’un des segments les plus dynamiques du tourisme mondial, et croît à un rythme de plus de 20% par année – deux à trois fois plus vite que l’industrie du tourisme dans son ensemble.
D’après la FAO, les avantages de l’écotourisme pour les entreprises locales sont considérablement plus élevés que ceux du tourisme de masse.
L’écotourisme peut motiver les collectivités locales à maintenir et protéger les forêts et la faune. Lorsque la population locale tire des revenus et des emplois de l’écotourisme, elle est beaucoup moins susceptible de détruire les ressources naturelles à travers une exploitation non durable
Jean Charles Biyo’o Ella/Rainforest journalism Fund/Pulitzer Center
Au sud du Cameroun, l’écotourisme des tortues marines et des picathartes est l’un des leviers de lutte contre la pauvreté et l’exploitation forestière illégale.