Les journées du 8, 9 et 10 août 2023 marquent un
tournant significatif dans la lutte acharnée contre le commerce illicite
d’ivoire au Gabon.
En effet, dans la soirée du mardi 8 août 2023, des
agents de la Police Judiciaire de la province du Moyen-Ogooué (située à l’ouest
du Gabon) ont interpelé une personne suspectée de participer activement au
trafic d’ivoire. Grâce à des renseignements cruciaux obtenus grâce à des
enquêtes approfondies, le principal suspect, un Gabonais d’origine
camerounaise, a été appréhendé au volant d’un véhicule en compagnie de sa
compagne.
Une fouille minutieuse et longue du véhicule
a finalement révélé l’existence d'un compartiment secret
astucieusement conçu et dissimulé sous la benne du véhicule de type
pick-up utilisé par le présumé trafiquant d'ivoire. Les agents ont découvert 19
pointes d’ivoire et 4 morceaux d’ivoire totalisant un poids de 120 kg, 18
munitions de grande chasse de calibre 458, près d’un million de FCFA en
espèces, des substances illicites (Tramadol) ainsi qu’une carte de séjour
expirée appartenant à un célèbre trafiquant d’ivoire camerounais.
Le présumé trafiquant arrêté a reconnu sa
participation dans la détention, l’achat et le transport illégal de ces
ivoires, admettant la nature illégale de ses activités. Il a également évoqué
sa collaboration avec un autre trafiquant
d’ivoire bien connu
de la justice et qui venait justement d'être arrêté pour d’autres
motifs par les agents de la Direction Générale de Recherche de la Gendarmerie
de la province du Moyen-Ogooué. Devant les évidences, ce deuxième
trafiquant a également reconnu certains faits qui lui ont été reprochés.
Dans une succession d’opérations stratégiques, les
agents de la police judiciaire ont continué à faire tomber les pièces du
puzzle. Un autre complice a été interpellé le 9 août 2023 pour son rôle présumé
en tant que vendeur d’une partie du lot d’ivoire saisi, qui viendrait en ce qui
le concerne de la ville de Mandji. Et le 10 août 2023, un autre
maillon de l’organisation a été appréhendé. Il aurait facilité une
transaction d’ivoire, cette fois à Lambaréné.
Le directeur-fondateur de l’ONG Conservation Justice,
qui appuie les autorités gabonaises dans leur lutte contre le trafic
d’ivoire s’est voulu optimiste en félicitant l’opération réalisée : « Ce
type d’opération est capital et à renouveler pour démanteler les
quelques gros réseaux de trafic d’ivoire qui ont pu se maintenir au Gabon
où la volonté politique en faveur de l’environnement demeure forte. La
population d’éléphant de forêt y est estimée à 95.000 éléphants et
semble stable, ce qui en fait leur dernier grand refuge. Mais la pression demeure,
notamment depuis le Cameroun » déclare
Luc mathot.
Envergure de l'organisation criminelle
Les individus appréhendés sont soupçonnés de faire
partie d'un réseau criminel bien organisé qui opère entre le Cameroun et le
Gabon depuis plusieurs longues années et est suspecté d’avoir déjà
exporter du Gabon vers le Cameroun plusieurs tonnes d’ivoire.
Ce réseau fournit des fonds, des munitions et facilite
le transport d'ivoire d’éléphants tués par des braconniers organisés, ce qui
représente une menace sérieuse pour la survie des éléphants et la
sécurité nationale. L'utilisation de véhicules équipés de compartiments secrets
vise à dissimuler l'ivoire et à échapper aux contrôles. Plus d'une dizaine de
personnes pourraient être impliquées, avec des points de dépôt d'ivoire répartis
dans différentes provinces du Gabon. L'organisation a mis en place un
système moderne et sophistiqué pour assurer le succès de ses opérations de
collecte et de livraison d’ivoire vers le Cameroun.
Répercussions de l'opération
Conservation Justice souligne l'importance cruciale de
cette opération des forces de l'ordre dans la lutte continue contre la
criminalité environnementale au Gabon. Cette avancée significative démontre
l’engagement fort des autorités gabonaises et l'efficacité de leur
collaboration avec les organisations non gouvernementales pour démanteler les
réseaux criminels qui menacent les éléphants de forêt.
Liens avec le crime international
La criminalité liée à la faune sauvage génère
d'importants profits pour les réseaux criminels, rivalisant avec le trafic de
drogues, d'armes et d'êtres humains. Cela constitue un risque sécuritaire
important à cause de réseaux organisés de type mafieux et prêts à tout pour
s’enrichir. Les défenses d'éléphants restent prisées en Asie, malgré les
efforts déployés par certains pays, comme la Chine qui a finalement interdit le
commerce intérieur d'ivoire en 2015.
Le succès de cette opération souligne la volonté
politique au Gabon mais également l’importance de la collaboration
régionale dans la lutte contre le trafic illégal de faune. En effet, ce réseau
international est organisé depuis le Cameroun qui est un pays de transit pour
l’ivoire en destination de l’Asie.
A ce sujet, le fondateur du réseau EAGLE, actif sur
une dizaine de pays dont le Cameroun et le Gabon, explique que : « Le
trafic illégal de faune est permis à cause de la corruption. C’est ici un
triste exemple de cela, avec un réseau criminel organisé qui amène les
éléphants vers l'extinction. Un des dirigeants principaux de ce réseau a été
condamné au Cameroun à une peine de prison ridicule malgré son arrestation avec
plus de 600 kg d’ivoire en 2020. Et leurs activités illégales ont été
maintenues sans avoir été réellement dérangées.
»
Boris
Ngounou