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Au sud du Cameroun, l’écotourisme des tortues marines et des picathartes  est l’un des leviers de lutte contre la pauvreté et l’exploitation forestière illégale.

L’expérience vient de la petite commune  de Campo, au Sud du Cameroun,  à la lisière avec la Guinée équatoriale. La municipalité  à la façade côtière  est frappée  dans sa partie forestière, par une intense activité illégale de son bois. Chaque année, des milliers de mètres cube d’essences sortent de la forêt tropicale en billes, en équarris et en planches pour rallier Yaoundé, puis Douala, où elles seront soit vendues, soit embarquées pour l’Europe ou l’Asie. A la manœuvre de cette activité qui fait perdre chaque année à l’Etat du cameroun, selon l’ANIF, l’Agence nationale de l’investigation financière, environ 33 milliards de fcfa, des entreprises étrangères, mais aussi des locaux. A cela s’ajoute le fait que cette activité illégale,  ne bénéficie pas aux communautés villageoises. Mais depuis quelques années, la lutte contre ce phénomène porte peu à peu, mais timidement ses fruits. Grâce au concept d’écotourisme des tortues marines, les villageois reconnaissent que l’exploitation forestière illégale, a baissé dans la contré.

Ebodjè, le village des tortues

Ebodjè est un petit village de plus de 1000 habitants, arrosé par les eaux de l’atlantique. Chaque année entre le mois de mars et celui de septembre consacrés la période de ponte des tortues, la petite bourgade enregistre un grand nombre de touristes. «L’écotourisme des tortues marines a changé Ebodjè », confie Oscar, un habitant du coin. « Dans ce village, il y a plusieurs jeunes qui ont fini leur cycle secondaire à l’école grâce au système de parrainage. Un pécheur qui attrape une tortue, la remet au touriste. Celui-ci, la soigne puis la relâche dans la mer. Et en contrepartie, le touriste prend en charge la scolarité d’un enfant de la famille de ce pécheur. Ce système de parrainage d’enfant a permis subtilement de convertir plusieurs dans nous qui exploitions le bois illégalement à nos risques et péril, de sortir du ‘‘maquis’’ et trouver  autre chose à faire», explique l’ancien exploitant.

A Ebodjè, il a fallu plusieurs années de sensibilisation pour apprendre aux villageois à protéger ce mammifère aquatique, jadis consommé comme nourriture. Le projet initié en 1998 par une fondation néerlandaise est assuré aujourd’hui par  l’ong « Tube Awu ». Selon Albert  Ndomi Yavoua, l’un des conservateurs de la case des tortues d’ebodjè, « tous les touristes qui arrivent à Ebodjè viennent pour une seule raison,  admirer les tortues. Le village s’est donc saisi de la brèche, pour capitaliser cette opportunité, afin de sortir les jeunes de la forêt, tout en luttant contre la pauvreté, à travers la petite économie bâtie autour de la tortue »

Une communauté organisée

La communauté d’Ebodjè est organisée autour de deux associations écotouristiques locales appelées: Ebotour et Tubu Awu. C’est en réalité elles qui gèrent les activités en accord avec les populations qu’elles consultent sur toutes les décisions relatives au fonctionnement du projet autour de la tortue. Une partie des revenus issus de l’écotourisme est versée directement aux villageois, et l’autre sert à financer des projets communautaires.

Un peu partout au village, les familles ont aménagée des chambres pour visiteurs, des petits restaurants ont vu le jour et proposent des mets locaux. Tout autour, d’autres activités telles que des excursions en forêt avec des guides, des balades dans les chutes de la lobé, sont autant d’activités, qui occupent aujourd’hui d’anciens exploitants forestiers.

Nkoelong et ses Picathartes

Un Oiseau Picatharte

Le Picatharte est un oiseau aussi atypique que son nom l’indique. Surnommé, le fantôme gris des forêts d’Afrique centrale à cause de sa rareté, le petit oiseau se déplace silencieusement à l’intérieur de la forêt, s’associant parfois à des colonies de fourmis ou de vers qu’il dévore.

Au village Nkoelong dans commune de campo, les communautés ont fait de lui, leur levier économique et l’oiseau rare attire des touristes. Avec son dos gris, ses parties inférieures pâles, sa tête chauve-bleue et rouge-noire constituent un attrait pour des visiteurs. « Si les blancs partent des États-Unis pour voir le picathartes ici au village, cela signifie que cet oiseau est une vraie richesse pour nous. On doit le préserver », explique Théophile, un vieux notable du village. Et chaque année, l’arrivée des touristes pour des populations constitue des meilleurs moments d’affaires

Toutefois, préserver, cette richesse passe par la préservation de la forêt, seul écosystème des picathartes. Dans la localité, les communautés se sont constituées en défenseur de l’environnement.

Inquiétudes  des communautés!

Le 6 mai 2022, le gouvernement camerounais a signé une convention d’exploitation minière avec une entreprise chinoise. Un projet qui, selon le gouvernement «devra apporter à termes au moins 500 milliards de fcfa au Cameroun », ainsi que des milliers d’emplois aux jeunes. Mais pas assez pour convaincre la population d’Ebodjè, à une cinquantaine de kilomètres de Kribi.

13 mai 2022, le chef du village Ebodjè a rendu public un mémorandum signé par sa communauté. Les populations attirent l’attention des pouvoirs publics sur les risques que fait peser ce projet minier,  sur ce qui constitue l’attraction touristique du village. «La disparition progressive des espèces rares des tortues marines protégées et des sites touristiques naturels  est imminente» s’inquiétait Christian Ndjokou Djongo, le chef traditionnel d’Ebodjè. Pour lui, les tortues et les touristes ont droit à des espaces de repos. Les habitants d’Ebodje rappellent que la zone d’exploitation minière est située à une vingtaine de kilomètres de leur terre. Toute chose qui pourrait avoir des incidences directes sur leur espace géographique, sur leur activité touristique et  par effet d’engrenage, sur sa population.

‘‘L’écotourisme peut motiver les collectivités locales à maintenir et protéger les forêts et la faune’’

Selon le Partenariat de collaboration sur les forêts (PCF), le tourisme a montré sa résilience dans le contexte actuel de ralentissement économique mondial. Globalement, l’industrie du tourisme a généré plus de 1000 milliards de dollars en 2010, d’après l’Organisation mondiale du tourisme. Et la part du tourisme dans les pays en développement etait en hausse constante, passant de 31% en 1990 à 47% en 2010.

L’écotourisme, caractérisé par le concept de voyage responsable dans les espaces naturels qui favorisent la conservation de l’environnement, est l’un des segments les plus dynamiques du tourisme mondial, et croît à un rythme de plus de 20% par année – deux à trois fois plus vite que l’industrie du tourisme dans son ensemble.

D’après la FAO, les avantages de l’écotourisme pour les entreprises locales sont considérablement plus élevés que ceux du tourisme de masse.

L’écotourisme peut motiver les collectivités locales à maintenir et protéger les forêts et la faune. Lorsque la population locale tire des revenus et des emplois de l’écotourisme, elle est beaucoup moins susceptible de détruire les ressources naturelles à travers une exploitation non durable

Jean Charles Biyo’o Ella/Rainforest journalism Fund/Pulitzer Center