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Par cette Note de conjoncture, première du genre, l’antenne Cameroun du Réseau des journalistes africains sur le développement durable et le changement climatique (Rjacc-Kamer), entend passer un message. Celui des communautés camerounaises situées en première ligne de la crise climatique. Du nord au sud, de l’est à l’ouest, nous vous proposons une série d’articles sur les effets, et parfois même, les facteurs du changement climatique et leurs répercussions sur les communautés. Ceci intervient surtout au moment où les dirigeants du monde se concertent dans le cadre de la 27e conférence des Nations unies sur le changement climatique. 

La Note s’ouvre avec des données fraiches sur le bilan humain et matériel des inondations dans la région septentrionale du Cameroun. À l’ouest et au nord-ouest, nous verrons comment la perturbation des saisons influe sur les récoltes de cette partie du pays considérée comme le grenier du Cameroun. Au littoral l’élévation du niveau de la mer impacte négativement sur la vie des riverains, ainsi que sur les mangroves. Alors qu’au centre-sud-est, l’on assiste plus tôt à la perpétuation des facteurs du changement climatique, notamment la déforestation illégale.

Septentrion

La forte pluviométrie fait peser une insécurité alimentaire

Les débordements récurrents des eaux du fleuve Logone ou du Lac Tchad affectent l’environnement, notamment la biodiversité, et menacent la santé des populations.

Du 16 au 19 septembre 2022, de fortes pluies se sont abattues dans le département du Mayo-Danay, région de l’Extrême-Nord. Selon l’Organisation mondiale des migrations (OIM), il s’agit au total de huit localités de l’arrondissement de Yagoua, de 10 localités de l’arrondissement de Gobo et de deux localités de l’arrondissement de Kai-Kai. Les chiffres officiels en provenance de l’outil de suivi des urgences de l’organisme Onusien et communiqués le 13 octobre 2022 font état d’environ 3219 ménages, soit 11 390 individus affectés par les précipitations.

À tel point que le chef de station météorologique de Yagoua, Mohammed Abdel Halim Njoya, a lancé un cri d’alerte. « Les inondations du Mayo-Danay sont les résultats des fortes pluies et du débordement des eaux du fleuve Logone et du Lac Tchad », a-t-il expliqué. À en croire les explications du scientifique rapportées par le site web DataCameroon, ce sont les débordements des eaux des fleuves en amont qui sont la cause des fortes précipitations enregistrées ces derniers mois dans la plupart des localités de la région de l’Extrême-Nord.

La dure réalité du changement climatique

L’atelier de sensibilisation organisé par l’Observatoire national sur les changements climatiques (ONACC) les 27 et 28 septembre 2022 à Garoua, en collaboration avec la Fondation Friedrich Ebert Stiftung (FES), n’était donc pas un hasard de calendrier. À l’occasion, les membres des conseils régionaux de l’Adamaoua, de l’Extrême-Nord et du Nord ont été édifiés sur les réalités climatiques qui prévalent de plus en plus dans leur environnement immédiat.

Les explications du directeur général de l’ONACC, Pr. Joseph Armathé Amougou, indiquent d’ailleurs que la situation actuelle est due au fait que les dates de début et de fin de saisons sont en train d’osciller. La conséquence est la diminution des jours de précipitations pendant l’année et une grande perturbation de la distribution de ces pluies, soutient le géographe.

Saison agricole hypothéquée et risques d’insécurité alimentaire

Sur le terrain, le constat est implacable. « Les régions septentrionales subissent de plein fouet les conséquences des changements climatiques. La saison agricole 2022 a été marquée par la rareté des précipitations », s’indigne le président du conseil régional du Nord, Oumarou Ousmanou. Malgré le fait que le bulletin des prévisions et alertes climatiques décadaires de l’ONACC pour la période du 11 au 20 octobre 2022 annonçait des situations élevées de canicule à l’Extrême-Nord et au Nord, l’observatoire annonçait également d’importantes quantités de précipitations, avec des situations d’inondations.

Cette configuration cause un préjudice aux producteurs qui ne maîtrisent plus le calendrier agricole, avec des risques potentiels d’insécurité alimentaire. La recrudescence des pluies entraîne notamment un engorgement des cultures dans les bas-fonds. Dans la même veine, il y a un impact sur les secteurs de développement socio-économique, comme l’agriculture, l’élevage, la santé, le tourisme, la biodiversité, l’énergie et le transport, etc. Les pertes de bétail sont également légion du fait des intempéries.

Pertes en vies humaines

Il en est de même des pertes agricoles consécutives à la destruction des champs de coton, de maïs, de mil due à l’invasion de la chenille légionnaire. Au 21 septembre 2022, le Bureau de coordination des affaires humanitaires des Nations Unies (OCHA) annonçait, au sujet d’un aperçu des inondations survenues depuis mi-août dans l’Extrême-Nord, 3019 têtes de bétail perdues, 2394 hectares de champs détruits, 9413 habitations détruites, 6662 ménages affectés, 37 439 personnes affectées, 95 personnes blessées, deux personnes décédées, 88 écoles inondées, 190 forages engloutis, 535 latrines englouties et 10 formations sanitaires affectées. En octobre 2021, Action contre la Faim a déploré le mauvais sort des populations du village Bembel dans le département du Mayo-Kani, face au dérèglement climatique. L’Ong a cité comme corollaires la modification du calendrier agricole, l’augmentation de la durée de la période de soudure, la perte et/ou dégradation des espaces cultivables.

Les peuples des grassfields, victimes de la perturbation des saisons

Le Grassland est la vaste région de savane des hauts plateaux volcaniques située dans l’ouest du Cameroun, étalé sur les régions du Nord-Ouest et de l’Ouest. Elle est appelée, selon les circonstances, Grassland, hauts plateaux de l’ouest, « savane camerounaise » ou même parfois « Grassfields ».

Dans cette région essentiellement agricole, qui concentre près d’un tiers de la population camerounaise, les variations climatiques constituent la principale menace qui pèse sur le développement durable. Elles ont entrainé de profondes modifications dans le cadre et le système de vie des producteurs agricoles dans les localités rurales.

Les manifestations du phénomène dans le département de la Mifi, région de l’Ouest, ont été consignées dans une étude publiée en 2018 par Alain Ngouang Fosso, chercheur à l’université de Dschang (dans la région de l’ouest).  Les perceptions locales incluent la diminution, l’irrégularité croissante des pluies, perçue par 40% des paysans, suivie de la baisse de la productivité 26% , trop d’ensoleillement 16%, l’invasion des insectes 14%, le phénomène de pourritures des récoltes et l’humidité du sol.

Les petits exploitants utilisent une combinaison de stratégies d’adaptation pour répondre à ce phénomène climatique changeant. Ces stratégies sont individuelles et collectives. Les stratégies individuelles sont entre autres, le bouleversement du calendrier agricole, l’utilisation des semences améliorées, l’extension des surfaces cultivées, les activités extra-agricoles telles que le commerce, l’artisanat et l’élevage du petit bétail. Les stratégies collectives sont les tontines et l’organisation en coopératives/GIC.

Toutefois, cette adaptation qui reste pour l’essentiel réactive et non-planifiée est limitée par des contraintes matérielles, financières et techniques ainsi que l’accès à l’information. Une recherche permanente des moyens rudimentaires d’adaptation qui ne manque pas d’engendrer des conflits.

Le changement climatique engendre des conflits de genre dans l’agriculture paysanne à l’ouest du Cameroun

À Batcham, une commune située dans le département des Bamboutos, région de l’Ouest, les exploitations agricoles familiales sont encadrées par un régime foncier ancien qui organise les rapports des membres du ménage à la terre et permet d’éviter les conflits. Aux hommes des droits de propriété matérialisés par des cultures pérennes et aux femmes des droits de cultures vivrières, tous deux inaliénables.

Dans une étude réalisée en 2017 dans cette localité, Dany Franck Tiwa indique que des perturbations climatiques ont compromis les équilibres ancestraux entre hommes et femmes. « Pour réduire leur dépendance au cycle des pluies désormais imprévisibles, les agricultrices convoitent les bas-fonds marécageux dominés par les plantes de Palmiers-Raphias entrant ainsi en conflit avec les hommes qui les exploitent pour la production du vin de palme. » explique l’auteur. Outre les conflits nés de cette compétition entre hommes et femmes pour l’occupation des bas-fonds,  le vin de palme se trouve être la principale victime de cette belligérance. Ce breuvage extrait des bambous et palmiers qui poussent dans les bas-fonds est pourtant enracinés dans la culture locale où il fait l’objet d’usages multiples. Notamment dans les cérémonies de mariage.

Biodiversité marine : l’île de Manoka entre vents et marées

La localité subit la montée du niveau de la mer. Un phénomène auquel se greffent des activités de fumage de poisson et de coupe abusive du bois de mangrove.

À 35 minutes au large du petit port de pêche de Youpwé, près de Douala, se dresse l’île de Manoka. Considérée comme la plus grande des 24 îles de l’arrondissement de Douala 6e, la localité donne accès à la mer. Seulement, dans le cadre de la mise en œuvre du projet « Forêts communautaires de Mangrove » expérimenté depuis trois ans et soutenu par l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), il ressort que l’île est en péril. Il ressort d’une évaluation de l’emprise de l’eau sur la terre ferme que la mer avance chaque mois de 53 centimètres sur les côtes de Manoka. D’après le président de la forêt communautaire de mangrove, Eugène Manga, « les ressources naturelles des zones humides, en l’occurrence le bois de la mangrove, sont de plus en exploitées. Cela pourrait créer un problème écologique ».

750 m3 de bois de mangrove engloutis dans le fumage du poisson

Le niveau élevé de la mer entraîne l’érosion du sol sur l’île. En 2020, le Centre pour la recherche forestière internationale (CIFOR) révélait que la ruée vers Manoka à la recherche du poisson fumé pour approvisionner la capitale économique Douala, constitue une menace pour les mangroves de l’estuaire du Wouri. Le rapport du CIFOR intitulé : « Pas d’avenir pour les mangroves sans une gestion durable du bois énergie », dévoile que la population s’adonne essentiellement à la pêche pour assurer sa survie. Les hommes se livrent à la pêche, tandis que les femmes opèrent dans le ramassage du bois et le fumage de poissons.

L’Ong Cameroun Ecologie enfonce le clou en révélant que la couverture forestière de l’île ne représente plus qu’environ 56 %, avec une diminution d’environ 14% enregistrée entre 1986 et 2018. Chaque année, 750 m3 de bois de mangrove sont utilisés pour le fumage du poisson au niveau local. 

Ces activités, pour banales qu’elles soient, causent une pression extrême sur les mangroves. La population de cette pêcherie côtière, répartie entre populations autochtones (Bakoko, Bassa, Mousgoum), nigérianes (Ibo, Yoruba), ghanéennes et maliennes, utilise le bois de mangrove pour le fumage du poisson. Les informations du portail web d’actualités sur la conservation, Mongabay, indiquent que les palétuviers encore appelés « matanda » sont les plus sollicités. La localité, à en croire M. Manga, abrite une forêt communautaire de mangrove de 2700 hectares, avec des palétuviers répartis à eux seuls sur 940 hectares sur le littoral et sur 740 hectares dans la zone inondée de la forêt.

La biodiversité aquatique menacée

Cette ressource est très sollicitée à partir de juin ce jusqu’en octobre, soit quatre mois. Le « matanda » est non seulement exploité sur place, mais aussi exporté vers Youpwé, le marché-Bonabéri, le pont de la Dinde ou à l’entrée Bilongue. C’est ce qui explique la pression qu’il subit. Mongabay ajoute que la vente d’un porte-tout de « matanda » coûte 600 F.CFA, celui d’un tricycle va de 15 000 à 20 000 F.CFA. Les prix d’un pick-up double cabine ou d’une dyna varient entre 50 000 F.CFA et 100 000 F.CFA.

Dans une interview accordée à Cameroon Tribune en avril 2022, le délégué régional de l’Environnement, de la Protection de la nature et du Développement durable du Littoral, Georges Amougou Ondoua, a dénoncé le fait que la coupe abusive et illégale du bois détruit la mangrove et menace la biodiversité de cette zone écologiquement fragile. Il ajoute que la destruction de l’habitat de la faune aquatique cause une raréfaction de certaines espèces de poissons et autres produits halieutiques. La montée des eaux pour sa part ne favorise pas non plus la mobilité des populations et menace leurs habitats.

Centre-Sud-Est du Cameroun : les communautés locales cèdent sous le poids de la déforestation

Dans l’aire géo-écologique Centre-Sud-Est du Cameroun, l’impact du changement climatique sur les populations se traduit à l’opposé du processus observé dans les autres régions du pays. Ici, les communautés locales sont beaucoup plus affectées par des facteurs du changement climatique, que le phénomène en lui-même. Leur cadre de vie et leurs moyens de subsistance sont dévastés par une déforestation de masse, effectuée par des entreprises agro-industrielles, soutenues parfois par des banques occidentales. C’est le cas notamment des projets agro-industriels Camvert et Sudcam, dans la région du Sud du Cameroun.

Sudcam défriche une forêt grande comme la ville de Paris

Dans un communiqué publié le 5 juillet 2020, le bureau Afrique de Greenpeace, une ONG internationale qui milite pour la protection de l’environnement, exige l’annulation « immédiate » de la facilité de prêt d’une valeur de 25 millions de dollars (environ 14,5 milliards de F.CFA) accordée le 2 juillet 2020 par la Deutsche Bank au géant de caoutchouc Halcyon Agri, basé à Singapour.

Selon la Deutsche Bank, une partie de ce soutien financier vise à fournir une sécurité alimentaire supplémentaire et à augmenter les revenus de 13 000 petits agriculteurs riverains du projet Sudcam. Mais, Greenpeace doute de la sincérité d’un tel engagement. Selon elle, Halcyon Agri accuse de graves manquements en termes de transparence et détient un lourd bilan en matière de violation des droits de l’Homme et de crimes environnementaux. « La Deutsche Bank doit annuler son prêt à Halcyon Agri. La banque ferait mieux d’investir ses millions directement dans les communautés dont l’entreprise a détruit les moyens de subsistance et la forêt tropicale qu’elle a ravagée », déclare Irène Wabiwa Betoko, responsable de la campagne de Greenpeace pour la forêt du bassin du Congo.

L’ONG Greenpeace n’est pas à sa première dénonciation du projet agro-industriel Sudcam. Dans un rapport publié le 25 novembre 2019, l’ONG a révélé que la présence de cette compagnie de production d’hévéa dans la région du Sud du Cameroun a entraîné la destruction d’une forêt dont les dimensions égalent à celles de la ville de Paris (plus de 100 km², Ndlr). Selon l’ONG, le volume de C02 émis par le défrichage de cette superficie forestière correspond au volume de C02 que peuvent émettre 60 000 wagons de charbon brûlé. L’enquête met également en lumière le fait que la déforestation de cette localité favorise la disparition de certaines espèces. Elle intensifie également le braconnage, car les populations autochtones qui servaient auparavant de gardiens de la forêt ont été chassées de leur milieu de vie naturel.

Face aux incriminations portées par les défenseurs de l’environnement, Halcyon répond qu’elle se réfère uniquement au « défrichement et à l’abattage de zones d’exploitation forestière ». Le projet Sudcam est détenu à 80% par la Société de développement du caoutchouc camerounais (SDCC), qui appartient depuis 2016 à Halcyon Agri. Les 20% restants sont détenus par la Société de production de palmiers et d’hévéa (SPPH), une compagnie privée camerounaise.

Camvert défriche une forêt grande comme trois fois Yaoundé

Le projet d’aménagement de la plus grande palmeraie d’Afrique centrale étendu sur 60 000 hectares, soit trois fois la superficie de la capitale camerounaise Yaoundé, a encore été épinglé dans un nouveau rapport publié le 28 septembre 2020 par Greenpeace. Le rapport indique qu’en novembre 2019, le Premier ministre camerounais, Joseph Dion Ngute, a retiré la zone attribuée à Camvert du domaine forestier permanent. C’est suite à ce déclassement, que le ministre des Domaines, du Cadastre et des Affaires foncières, Henri Eyebe Ayissi, a approuvé le 6 avril 2020, le défrichage d’une zone initiale de 2500 hectares de forêt sur les 60 000 que Camvert cherche à convertir en plantation.

Pour Greenpeace, il s’agit là d’un cas emblématique de projets truffés d’illégalités et d’abus des droits des populations autochtones qui exacerbent la crise climatique. L’ONG internationale constate non aussi le non-respect des deux conditions juridiques préalables au déclassement des forêts domaniales au Cameroun. Dans son article 28 alinéa 2, le régime des forêts au Cameroun précise que le déclassement total ou partiel d’une forêt domaniale ne peut intervenir qu’après classement d’une forêt de même catégorie et d’une superficie équivalente dans la même zone écologique.

Le rapport de Greenpeace intervient deux semaines après le lancement des activités de Camvert. L’entreprise agro-industrielle a commencé la mise en terre des premiers plans de palmiers à huile le 12 septembre 2020. L’opération durera un mois, pour un total d’environ 236 mille plants, répartis sur 2600 hectares. En procédant à cette première étape, les responsables de Camvert croyaient avoir tourné définitivement la page des oppositions à leur projet, au vu des garanties environnementales et sociales annoncées.

Il s’agit de la création d’emplois et d’activités génératrices de revenus (8 000 emplois directs et 15 000 emplois indirects), la réduction du déficit structurel en produits gras (180 000 tonnes d’huile de palme et 18 000 tonnes d’huile de palmistes par an), l’appui à la mise en place de 5000 ha de plantations individuelles, collectives et communales, la construction des centrales d’énergies renouvelables, d’une centrale de traitement d’eaux usées pour produire des engrais biologiques et du méthane. « La mise en œuvre à court terme des mesures d’atténuation et de bonification est estimée pour les aspects que nous avons pu évaluer à 209 750 000 F.CFA (environ 319 761 euros). Ces coûts ne tiennent pas compte des activités prévues dans le budget d’investissement du projet », indique l’entreprise.

Des garanties visiblement louables, mais qui demeurent aux yeux de Greenpeace comme étant le mythe de la conversion durable des forêts. Dans son élan de dénonciation, le rapport de l’ONG se rapproche de celui publié en août 2020 par Green Development Advocates (GDA), intitulé : « Les petites illégalités du processus de déclassement et de concession de 60 000 ha de forêt au profit d’une agro-industrie à Campo et Nyété ». Dans leurs rapports respectifs, Greenpeace et GDA demandent l’arrêt du projet, et que les ministères impliqués dans ledit projet fassent « immédiatement » l’objet d’une enquête.

26 espèces de mammifères en danger

« Le projet Camvert doit être purement et simplement stoppé et les autorités chargées du contrôle de ce type d’activité sanctionnées. Ces dernières ont permis l’implémentation d’un projet qui, non seulement viole les dispositions nationales et internationales pertinentes en la matière, mais entrave aussi l’accès des communautés à leurs besoins en produits forestiers non ligneux (PFNL) alimentaires et médicinaux sur leur terre. Ce faisant, ces autorités menacent le mode de vie des communautés forestières », relève Aristide Chacgom, le coordinateur de GDA.

L’organisation de la société civile Environment Gouvernance Issue (EGI), basée au sud-ouest du Cameroun, a rappelé que de grands mammifères tels que des éléphants, des buffles, de grands singes vivaient sur le territoire de 60 000 hectares de terres que le projet Camvert entend annexer. Un rapport de la société civile publié le 27 novembre 2019 fait état de l’existence de « 26 espèces de mammifères moyens et grands dont les Big Five de la forêt à savoir l’éléphant, le buffle, les grands signes (gorille et chimpanzé), la panthère et le pangolin géant…». L’espace abrite également une flore riche de plus de 60 espèces semi-aquatiques rares.

À propos du Rjacc-Kamer

L’antenne Cameroun du Réseau des journalistes africains sur le développement durable et le changement climatique (Rjacc-Kamer) est un organe du Réseau des journalistes africains sur le développement durable et le changement climatique, lancé par le think tank Africa 21. Créé en juillet 2022 par le journaliste Boris Ngounou, dans le cadre de ses missions d’ambassadeur du Réseau au Cameroun, le Rjacc-Kamer est présidé par le journaliste Gibrile Kenfack Tsabdo. Il compte une vingtaine de membres actifs sur les questions environnementales, et travaillant tant pour la presse privée que publique. 

Le Rjacc-Kamer relai en temps réel, et à l’échelle nationale et internationale, toute l’actualité sur le développement durable et le changement climatique au Cameroun. Il entend animer et améliorer la production des actualités sur le développement durable et le changement climatique au Cameroun.    

COP 27 : quand des communautés camerounaises croupissent sous les effets du changement climatique

Par cette Note de conjoncture, première du genre, l’antenne Cameroun du Réseau des journalistes africains sur le développement durable et le changement climatique (Rjacc-Kamer), entend passer un message. Celui des communautés camerounaises situées en première ligne de la crise climatique. Du nord au sud, de l’est à l’ouest, nous vous proposons une série d’articles sur les effets, et parfois même, les facteurs du changement climatique et leurs répercussions sur les communautés. Ceci intervient surtout au moment où les dirigeants du monde se concertent dans le cadre de la 27e conférence des Nations unies sur le changement climatique. 

La Note s’ouvre avec des données fraiches sur le bilan humain et matériel des inondations dans la région septentrionale du Cameroun. À l’ouest et au nord-ouest, nous verrons comment la perturbation des saisons influe sur les récoltes de cette partie du pays considérée comme le grenier du Cameroun. Au littoral l’élévation du niveau de la mer impacte négativement sur la vie des riverains, ainsi que sur les mangroves. Alors qu’au centre-sud-est, l’on assiste plus tôt à la perpétuation des facteurs du changement climatique, notamment la déforestation illégale.

Septentrion

La forte pluviométrie fait peser une insécurité alimentaire

Les débordements récurrents des eaux du fleuve Logone ou du Lac Tchad affectent l’environnement, notamment la biodiversité, et menacent la santé des populations.

Du 16 au 19 septembre 2022, de fortes pluies se sont abattues dans le département du Mayo-Danay, région de l’Extrême-Nord. Selon l’Organisation mondiale des migrations (OIM), il s’agit au total de huit localités de l’arrondissement de Yagoua, de 10 localités de l’arrondissement de Gobo et de deux localités de l’arrondissement de Kai-Kai. Les chiffres officiels en provenance de l’outil de suivi des urgences de l’organisme Onusien et communiqués le 13 octobre 2022 font état d’environ 3219 ménages, soit 11 390 individus affectés par les précipitations.

À tel point que le chef de station météorologique de Yagoua, Mohammed Abdel Halim Njoya, a lancé un cri d’alerte. « Les inondations du Mayo-Danay sont les résultats des fortes pluies et du débordement des eaux du fleuve Logone et du Lac Tchad », a-t-il expliqué. À en croire les explications du scientifique rapportées par le site web DataCameroon, ce sont les débordements des eaux des fleuves en amont qui sont la cause des fortes précipitations enregistrées ces derniers mois dans la plupart des localités de la région de l’Extrême-Nord.

La dure réalité du changement climatique

L’atelier de sensibilisation organisé par l’Observatoire national sur les changements climatiques (ONACC) les 27 et 28 septembre 2022 à Garoua, en collaboration avec la Fondation Friedrich Ebert Stiftung (FES), n’était donc pas un hasard de calendrier. À l’occasion, les membres des conseils régionaux de l’Adamaoua, de l’Extrême-Nord et du Nord ont été édifiés sur les réalités climatiques qui prévalent de plus en plus dans leur environnement immédiat.

Les explications du directeur général de l’ONACC, Pr. Joseph Armathé Amougou, indiquent d’ailleurs que la situation actuelle est due au fait que les dates de début et de fin de saisons sont en train d’osciller. La conséquence est la diminution des jours de précipitations pendant l’année et une grande perturbation de la distribution de ces pluies, soutient le géographe.

Saison agricole hypothéquée et risques d’insécurité alimentaire

Sur le terrain, le constat est implacable. « Les régions septentrionales subissent de plein fouet les conséquences des changements climatiques. La saison agricole 2022 a été marquée par la rareté des précipitations », s’indigne le président du conseil régional du Nord, Oumarou Ousmanou. Malgré le fait que le bulletin des prévisions et alertes climatiques décadaires de l’ONACC pour la période du 11 au 20 octobre 2022 annonçait des situations élevées de canicule à l’Extrême-Nord et au Nord, l’observatoire annonçait également d’importantes quantités de précipitations, avec des situations d’inondations.

Cette configuration cause un préjudice aux producteurs qui ne maîtrisent plus le calendrier agricole, avec des risques potentiels d’insécurité alimentaire. La recrudescence des pluies entraîne notamment un engorgement des cultures dans les bas-fonds. Dans la même veine, il y a un impact sur les secteurs de développement socio-économique, comme l’agriculture, l’élevage, la santé, le tourisme, la biodiversité, l’énergie et le transport, etc. Les pertes de bétail sont également légion du fait des intempéries.

Pertes en vies humaines

Il en est de même des pertes agricoles consécutives à la destruction des champs de coton, de maïs, de mil due à l’invasion de la chenille légionnaire. Au 21 septembre 2022, le Bureau de coordination des affaires humanitaires des Nations Unies (OCHA) annonçait, au sujet d’un aperçu des inondations survenues depuis mi-août dans l’Extrême-Nord, 3019 têtes de bétail perdues, 2394 hectares de champs détruits, 9413 habitations détruites, 6662 ménages affectés, 37 439 personnes affectées, 95 personnes blessées, deux personnes décédées, 88 écoles inondées, 190 forages engloutis, 535 latrines englouties et 10 formations sanitaires affectées. En octobre 2021, Action contre la Faim a déploré le mauvais sort des populations du village Bembel dans le département du Mayo-Kani, face au dérèglement climatique. L’Ong a cité comme corollaires la modification du calendrier agricole, l’augmentation de la durée de la période de soudure, la perte et/ou dégradation des espaces cultivables.

Les peuples des grassfields, victimes de la perturbation des saisons

Le Grassland est la vaste région de savane des hauts plateaux volcaniques située dans l’ouest du Cameroun, étalé sur les régions du Nord-Ouest et de l’Ouest. Elle est appelée, selon les circonstances, Grassland, hauts plateaux de l’ouest, « savane camerounaise » ou même parfois « Grassfields ».

Dans cette région essentiellement agricole, qui concentre près d’un tiers de la population camerounaise, les variations climatiques constituent la principale menace qui pèse sur le développement durable. Elles ont entrainé de profondes modifications dans le cadre et le système de vie des producteurs agricoles dans les localités rurales.

Les manifestations du phénomène dans le département de la Mifi, région de l’Ouest, ont été consignées dans une étude publiée en 2018 par Alain Ngouang Fosso, chercheur à l’université de Dschang (dans la région de l’ouest).  Les perceptions locales incluent la diminution, l’irrégularité croissante des pluies, perçue par 40% des paysans, suivie de la baisse de la productivité 26% , trop d’ensoleillement 16%, l’invasion des insectes 14%, le phénomène de pourritures des récoltes et l’humidité du sol.

Les petits exploitants utilisent une combinaison de stratégies d’adaptation pour répondre à ce phénomène climatique changeant. Ces stratégies sont individuelles et collectives. Les stratégies individuelles sont entre autres, le bouleversement du calendrier agricole, l’utilisation des semences améliorées, l’extension des surfaces cultivées, les activités extra-agricoles telles que le commerce, l’artisanat et l’élevage du petit bétail. Les stratégies collectives sont les tontines et l’organisation en coopératives/GIC.

Toutefois, cette adaptation qui reste pour l’essentiel réactive et non-planifiée est limitée par des contraintes matérielles, financières et techniques ainsi que l’accès à l’information. Une recherche permanente des moyens rudimentaires d’adaptation qui ne manque pas d’engendrer des conflits.

Le changement climatique engendre des conflits de genre dans l’agriculture paysanne à l’ouest du Cameroun

À Batcham, une commune située dans le département des Bamboutos, région de l’Ouest, les exploitations agricoles familiales sont encadrées par un régime foncier ancien qui organise les rapports des membres du ménage à la terre et permet d’éviter les conflits. Aux hommes des droits de propriété matérialisés par des cultures pérennes et aux femmes des droits de cultures vivrières, tous deux inaliénables.

Dans une étude réalisée en 2017 dans cette localité, Dany Franck Tiwa indique que des perturbations climatiques ont compromis les équilibres ancestraux entre hommes et femmes. « Pour réduire leur dépendance au cycle des pluies désormais imprévisibles, les agricultrices convoitent les bas-fonds marécageux dominés par les plantes de Palmiers-Raphias entrant ainsi en conflit avec les hommes qui les exploitent pour la production du vin de palme. » explique l’auteur. Outre les conflits nés de cette compétition entre hommes et femmes pour l’occupation des bas-fonds,  le vin de palme se trouve être la principale victime de cette belligérance. Ce breuvage extrait des bambous et palmiers qui poussent dans les bas-fonds est pourtant enracinés dans la culture locale où il fait l’objet d’usages multiples. Notamment dans les cérémonies de mariage.

Biodiversité marine : l’île de Manoka entre vents et marées

La localité subit la montée du niveau de la mer. Un phénomène auquel se greffent des activités de fumage de poisson et de coupe abusive du bois de mangrove.

À 35 minutes au large du petit port de pêche de Youpwé, près de Douala, se dresse l’île de Manoka. Considérée comme la plus grande des 24 îles de l’arrondissement de Douala 6e, la localité donne accès à la mer. Seulement, dans le cadre de la mise en œuvre du projet « Forêts communautaires de Mangrove » expérimenté depuis trois ans et soutenu par l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), il ressort que l’île est en péril. Il ressort d’une évaluation de l’emprise de l’eau sur la terre ferme que la mer avance chaque mois de 53 centimètres sur les côtes de Manoka. D’après le président de la forêt communautaire de mangrove, Eugène Manga, « les ressources naturelles des zones humides, en l’occurrence le bois de la mangrove, sont de plus en exploitées. Cela pourrait créer un problème écologique ».

750 m3 de bois de mangrove engloutis dans le fumage du poisson

Le niveau élevé de la mer entraîne l’érosion du sol sur l’île. En 2020, le Centre pour la recherche forestière internationale (CIFOR) révélait que la ruée vers Manoka à la recherche du poisson fumé pour approvisionner la capitale économique Douala, constitue une menace pour les mangroves de l’estuaire du Wouri. Le rapport du CIFOR intitulé : « Pas d’avenir pour les mangroves sans une gestion durable du bois énergie », dévoile que la population s’adonne essentiellement à la pêche pour assurer sa survie. Les hommes se livrent à la pêche, tandis que les femmes opèrent dans le ramassage du bois et le fumage de poissons.

L’Ong Cameroun Ecologie enfonce le clou en révélant que la couverture forestière de l’île ne représente plus qu’environ 56 %, avec une diminution d’environ 14% enregistrée entre 1986 et 2018. Chaque année, 750 m3 de bois de mangrove sont utilisés pour le fumage du poisson au niveau local. 

Ces activités, pour banales qu’elles soient, causent une pression extrême sur les mangroves. La population de cette pêcherie côtière, répartie entre populations autochtones (Bakoko, Bassa, Mousgoum), nigérianes (Ibo, Yoruba), ghanéennes et maliennes, utilise le bois de mangrove pour le fumage du poisson. Les informations du portail web d’actualités sur la conservation, Mongabay, indiquent que les palétuviers encore appelés « matanda » sont les plus sollicités. La localité, à en croire M. Manga, abrite une forêt communautaire de mangrove de 2700 hectares, avec des palétuviers répartis à eux seuls sur 940 hectares sur le littoral et sur 740 hectares dans la zone inondée de la forêt.

La biodiversité aquatique menacée

Cette ressource est très sollicitée à partir de juin ce jusqu’en octobre, soit quatre mois. Le « matanda » est non seulement exploité sur place, mais aussi exporté vers Youpwé, le marché-Bonabéri, le pont de la Dinde ou à l’entrée Bilongue. C’est ce qui explique la pression qu’il subit. Mongabay ajoute que la vente d’un porte-tout de « matanda » coûte 600 F.CFA, celui d’un tricycle va de 15 000 à 20 000 F.CFA. Les prix d’un pick-up double cabine ou d’une dyna varient entre 50 000 F.CFA et 100 000 F.CFA.

Dans une interview accordée à Cameroon Tribune en avril 2022, le délégué régional de l’Environnement, de la Protection de la nature et du Développement durable du Littoral, Georges Amougou Ondoua, a dénoncé le fait que la coupe abusive et illégale du bois détruit la mangrove et menace la biodiversité de cette zone écologiquement fragile. Il ajoute que la destruction de l’habitat de la faune aquatique cause une raréfaction de certaines espèces de poissons et autres produits halieutiques. La montée des eaux pour sa part ne favorise pas non plus la mobilité des populations et menace leurs habitats.

Centre-Sud-Est du Cameroun : les communautés locales cèdent sous le poids de la déforestation

Dans l’aire géo-écologique Centre-Sud-Est du Cameroun, l’impact du changement climatique sur les populations se traduit à l’opposé du processus observé dans les autres régions du pays. Ici, les communautés locales sont beaucoup plus affectées par des facteurs du changement climatique, que le phénomène en lui-même. Leur cadre de vie et leurs moyens de subsistance sont dévastés par une déforestation de masse, effectuée par des entreprises agro-industrielles, soutenues parfois par des banques occidentales. C’est le cas notamment des projets agro-industriels Camvert et Sudcam, dans la région du Sud du Cameroun.

Sudcam défriche une forêt grande comme la ville de Paris

Dans un communiqué publié le 5 juillet 2020, le bureau Afrique de Greenpeace, une ONG internationale qui milite pour la protection de l’environnement, exige l’annulation « immédiate » de la facilité de prêt d’une valeur de 25 millions de dollars (environ 14,5 milliards de F.CFA) accordée le 2 juillet 2020 par la Deutsche Bank au géant de caoutchouc Halcyon Agri, basé à Singapour.

Selon la Deutsche Bank, une partie de ce soutien financier vise à fournir une sécurité alimentaire supplémentaire et à augmenter les revenus de 13 000 petits agriculteurs riverains du projet Sudcam. Mais, Greenpeace doute de la sincérité d’un tel engagement. Selon elle, Halcyon Agri accuse de graves manquements en termes de transparence et détient un lourd bilan en matière de violation des droits de l’Homme et de crimes environnementaux. « La Deutsche Bank doit annuler son prêt à Halcyon Agri. La banque ferait mieux d’investir ses millions directement dans les communautés dont l’entreprise a détruit les moyens de subsistance et la forêt tropicale qu’elle a ravagée », déclare Irène Wabiwa Betoko, responsable de la campagne de Greenpeace pour la forêt du bassin du Congo.

L’ONG Greenpeace n’est pas à sa première dénonciation du projet agro-industriel Sudcam. Dans un rapport publié le 25 novembre 2019, l’ONG a révélé que la présence de cette compagnie de production d’hévéa dans la région du Sud du Cameroun a entraîné la destruction d’une forêt dont les dimensions égalent à celles de la ville de Paris (plus de 100 km², Ndlr). Selon l’ONG, le volume de C02 émis par le défrichage de cette superficie forestière correspond au volume de C02 que peuvent émettre 60 000 wagons de charbon brûlé. L’enquête met également en lumière le fait que la déforestation de cette localité favorise la disparition de certaines espèces. Elle intensifie également le braconnage, car les populations autochtones qui servaient auparavant de gardiens de la forêt ont été chassées de leur milieu de vie naturel.

Face aux incriminations portées par les défenseurs de l’environnement, Halcyon répond qu’elle se réfère uniquement au « défrichement et à l’abattage de zones d’exploitation forestière ». Le projet Sudcam est détenu à 80% par la Société de développement du caoutchouc camerounais (SDCC), qui appartient depuis 2016 à Halcyon Agri. Les 20% restants sont détenus par la Société de production de palmiers et d’hévéa (SPPH), une compagnie privée camerounaise.

Camvert défriche une forêt grande comme trois fois Yaoundé

Le projet d’aménagement de la plus grande palmeraie d’Afrique centrale étendu sur 60 000 hectares, soit trois fois la superficie de la capitale camerounaise Yaoundé, a encore été épinglé dans un nouveau rapport publié le 28 septembre 2020 par Greenpeace. Le rapport indique qu’en novembre 2019, le Premier ministre camerounais, Joseph Dion Ngute, a retiré la zone attribuée à Camvert du domaine forestier permanent. C’est suite à ce déclassement, que le ministre des Domaines, du Cadastre et des Affaires foncières, Henri Eyebe Ayissi, a approuvé le 6 avril 2020, le défrichage d’une zone initiale de 2500 hectares de forêt sur les 60 000 que Camvert cherche à convertir en plantation.

Pour Greenpeace, il s’agit là d’un cas emblématique de projets truffés d’illégalités et d’abus des droits des populations autochtones qui exacerbent la crise climatique. L’ONG internationale constate non aussi le non-respect des deux conditions juridiques préalables au déclassement des forêts domaniales au Cameroun. Dans son article 28 alinéa 2, le régime des forêts au Cameroun précise que le déclassement total ou partiel d’une forêt domaniale ne peut intervenir qu’après classement d’une forêt de même catégorie et d’une superficie équivalente dans la même zone écologique.

Le rapport de Greenpeace intervient deux semaines après le lancement des activités de Camvert. L’entreprise agro-industrielle a commencé la mise en terre des premiers plans de palmiers à huile le 12 septembre 2020. L’opération durera un mois, pour un total d’environ 236 mille plants, répartis sur 2600 hectares. En procédant à cette première étape, les responsables de Camvert croyaient avoir tourné définitivement la page des oppositions à leur projet, au vu des garanties environnementales et sociales annoncées.

Il s’agit de la création d’emplois et d’activités génératrices de revenus (8 000 emplois directs et 15 000 emplois indirects), la réduction du déficit structurel en produits gras (180 000 tonnes d’huile de palme et 18 000 tonnes d’huile de palmistes par an), l’appui à la mise en place de 5000 ha de plantations individuelles, collectives et communales, la construction des centrales d’énergies renouvelables, d’une centrale de traitement d’eaux usées pour produire des engrais biologiques et du méthane. « La mise en œuvre à court terme des mesures d’atténuation et de bonification est estimée pour les aspects que nous avons pu évaluer à 209 750 000 F.CFA (environ 319 761 euros). Ces coûts ne tiennent pas compte des activités prévues dans le budget d’investissement du projet », indique l’entreprise.

Des garanties visiblement louables, mais qui demeurent aux yeux de Greenpeace comme étant le mythe de la conversion durable des forêts. Dans son élan de dénonciation, le rapport de l’ONG se rapproche de celui publié en août 2020 par Green Development Advocates (GDA), intitulé : « Les petites illégalités du processus de déclassement et de concession de 60 000 ha de forêt au profit d’une agro-industrie à Campo et Nyété ». Dans leurs rapports respectifs, Greenpeace et GDA demandent l’arrêt du projet, et que les ministères impliqués dans ledit projet fassent « immédiatement » l’objet d’une enquête.

26 espèces de mammifères en danger

« Le projet Camvert doit être purement et simplement stoppé et les autorités chargées du contrôle de ce type d’activité sanctionnées. Ces dernières ont permis l’implémentation d’un projet qui, non seulement viole les dispositions nationales et internationales pertinentes en la matière, mais entrave aussi l’accès des communautés à leurs besoins en produits forestiers non ligneux (PFNL) alimentaires et médicinaux sur leur terre. Ce faisant, ces autorités menacent le mode de vie des communautés forestières », relève Aristide Chacgom, le coordinateur de GDA.

L’organisation de la société civile Environment Gouvernance Issue (EGI), basée au sud-ouest du Cameroun, a rappelé que de grands mammifères tels que des éléphants, des buffles, de grands singes vivaient sur le territoire de 60 000 hectares de terres que le projet Camvert entend annexer. Un rapport de la société civile publié le 27 novembre 2019 fait état de l’existence de « 26 espèces de mammifères moyens et grands dont les Big Five de la forêt à savoir l’éléphant, le buffle, les grands signes (gorille et chimpanzé), la panthère et le pangolin géant…». L’espace abrite également une flore riche de plus de 60 espèces semi-aquatiques rares.

À propos du Rjacc-Kamer

L’antenne Cameroun du Réseau des journalistes africains sur le développement durable et le changement climatique (Rjacc-Kamer) est un organe du Réseau des journalistes africains sur le développement durable et le changement climatique, lancé par le think tank Africa 21. Créé en juillet 2022 par le journaliste Boris Ngounou, dans le cadre de ses missions d’ambassadeur du Réseau au Cameroun, le Rjacc-Kamer est présidé par le journaliste Gibrile Kenfack Tsabdo. Il compte une vingtaine de membres actifs sur les questions environnementales, et travaillant tant pour la presse privée que publique. 

Le Rjacc-Kamer relai en temps réel, et à l’échelle nationale et internationale, toute l’actualité sur le développement durable et le changement climatique au Cameroun. Il entend animer et améliorer la production des actualités sur le développement durable et le changement climatique au Cameroun.    

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