Toute l'actu sur la protection de l'environnement

Un espace forestier de deux cent trente  hectares a été octroyé aux Peuples Autochtones pour célébrer leurs divinités et exposer leurs savoirs endogènes.

Cela fait sept ans que cet espace culturel  établi sur une superficie de 230 hectares  fait la fierté de ce peuple. Le musée d’art vivant Baka est un espace forestier constitué d’habitats traditionnels, encore appelé « Moungoulou » et bien d’autres artifices qui meublent le quotidien des Peuples Autochtones de la forêt au sud du Cameroun.  Ici, on y retrouve   des moungoulous avec des petites chambres, des salles de conférence, de spectacle des stands pour les artisans, des lieux de soin pour malades, des espaces pour la tenue  des palabres etc… le tout sous un couvert végétal composé de grands arbres et  dans une architecture qui respecte l’environnement  et le mode de vie de ce peuple de la forêt. 

L’idée de mettre sur pied ce site voit le jour en 2014,  raconte Francois Mabila, le chef de la communauté avec les organisations de la société civile soucieuses de sécuriser les terres des Baka et de leur garantir  l’accès aux ressources ; elles vont concevoir  un programme baptisé «  Promotion du tourisme et REDD+ dans les communes forestières de Cameroun ». La cible n’était pas seulement les Baka, mais ils en  étaient l’objectif essentiel. Ainsi organisent-elles un premier festival à Djoum qui visait à jeter les bases de réflexion pour voir quel sera l’avenir de ce peuple en matière d’accès à la  terre, de ressources mais surtout leur culture qui est directement liée à leur environnement c’est-à-dire la forêt. Au cours de ces échanges, les Baka émettent le vœu d’avoir un cadre de concertation entre eux, afin qu’ils puissent reconstituer leur patrimoine matériel et immatériel, le perpétuer et le pérenniser à travers des rites et l’initiation gage de leur épanouissement.

Ainsi voit le jour, l’Association des « Kobo » ou patriarches en langue Baka qui choisissent le site d’Assok, le nom du cour d’eau qui ceinture le musée ; Assok signifie  chute en langue locale. Selon le patriarche Daniel  Kobou, plus de 80 ans, le   gardien des lieux, le choix du site n’a pas été facile puisqu’il y avait un endroit similaire dans un village voisin et il  fallait pour ce faire négocier avec les esprits (Ezengue) pour pouvoir les déplacer et les rassembler au même lieu, l’espace d’Assok présentant toutes les caractéristiques qui répondaient aux critères tels que définis par les Kobo. Le patriarche explique que  sa posture de gardien de cette forêt sacrée le met en contact direct avec les esprits de telle sorte qu’il veille à ce qu’aucun visiteur ne vienne perturber la tranquillité de leur divinité. « Si vous êtes habité par un mauvais esprit je vais vous demander de rentrer si vous insistez alors… », confie le vieil homme en substance, sans terminer son propos. Aujourd’hui grâce à ce site les jeunes Baka se réapproprient leur culture, notamment l’habillement, les danses, la pharmacopée, la construction des moungoulou, la procédure nuptiale, et la chasse.

Les anciens soutiennent que parmi les valeurs perdues par la société baka il y a le respect de la belle-famille par le marié : « auparavant on ne mangeait pas là où se trouve sa belle-famille, il vous était interdit de hausser le ton devant la famille de son épouse, aujourd’hui ce n’est plus le cas »  regrette,        Ndoutoumou Ndongo Jean ancien, conseillé municipal Baka de Zoebefam à la commune de Mintom. Le musée apparait donc aux yeux de tous comme un moyen de replonger les jeunes dans la culture de leurs ancêtres.

Ezengue : l’intercesseur

C’est ce lieu agréé par le ministère des arts et de la culture qui a abrité le deuxième festival de 2015 qui a permis aux nombreux visiteurs venus des quatre coins du Cameroun et de l’étranger, de vivre et toucher du doigt le patrimoine authentique de ce peuple. Le  quatrième  festival s’y est déroulé février – mars 2022. La visite de ce site est cependant assujettie à quelques rites : l’étranger n y accède pas seul, il doit être présenté à leur Ezengue par le gardien du temple ou être accompagné par un membre de la communauté. Dans cette forêt où règne un calme de cimetière, seul les cris des oiseaux, de quelques insectes et surtout les chutes d’eaux de la  rivière Assok et les émanations sylvestres  accompagnent le visiteur en quête de concentration et de méditation. 

Danse Baka

Dans la cosmogonie Baka, l’Ezengue (esprit  de la forêt) joue un rôle très important, il est pour ce peuple ce que Jésus Christ est « pour les chrétiens » souligne un ancien du village.  Il est l’intercesseur entre le peuple et le Divin, c’est lui qui les protège contre toute puissance maléfique, il leur indique les traitements à administrer aux malades, il les instruit sur la marche de la communauté. C’est peut-être ce qui explique les sollicitations incessant de leur gris-gris par les Bantou.

Tout touriste qui arrive pour la première à Mintom demande à effectuer un tour au musée et rencontrer ce peuple de « magiciens » nous explique un habitant de la localité.  Selon certains, chaque chef de communauté a son ézengué. Pour le garder il faut surtout que les habitations soient entourées de forêt ; faute de quoi il s’en fuit ; c’est le cas du chef, Calvin Nkoulou de la communauté de Mveng dans l’arrondissement de Djoum  qui ne cesse de se plaindre de l’encerclement de leur campement par les maisons  des bantou, ce qui, à l’en croire, aurait fait fuir son ezéngué. Il souligne cependant que celui- ci pourrait revenir si leurs maisons côtoyaient   directement  de la forêt.                                                                                

PEUPLE MARGINALISE.

Peu avant l’indépendance du Cameroun, beaucoup de ces peuples autochtones vivaient dans des campements très loin dans la forêt, leur milieu naturel.  Leur présence  dans les villages qu’ils occupent aujourd’hui s’est faite de deux principales façons : d’abord par  l’entremise d’un Bantou qui en  faisait son chasseur : étant donné qu’ils maitrisent la brousse, les animaux et les techniques de chasse. Le Baka devait donc chasser du gibier pour son maître ; en retour il recevait des soins de toute nature du Bantou, parfois celui-ci se proposait de lui doter sa femme.

Lorsque la communauté devenait importante, le maître leur donnait un lopin de terrain pour y vivre. Seulement à la mort du bienfaiteur, la famille ou le village entier leur conteste systématiquement la propriété foncière coutumière des terres occupées, malgré le temps passé sur place. Beaucoup parmi eux ont perdu toute attache avec l’ancien lieu d’habitation, ils n’y ont plus jamais mis pied.

Ensuite il y a  les autorités.  Au lendemain des indépendances, ces dernières  soupçonnant les Baka de soutenir les maquisards, elles vont leur demander de quitter la forêt pour venir s’installer dans les villages  situés  aux abords de la route afin de mieux les surveiller. C’est le cas des communautés des villages Myata  et Minko’o dans l’arrondissement de Djoum, où le sous-préfet de l’époque Ekono Nlatte les  avait installés. Malheureusement pour eux les Bantou leur arrachent tout réduisant leur espace de vie à une portion congrue. Les rapports pour tout dire sont ceux de maitre à esclave.

Moins instruits et moins nantis, ils n’ont pas voix au chapitre, même quand ils sont premiers notables dans les  chefferies, ils sont rarement conviés aux tenue de palabre ; en cas de conflit entre un Baka et un Bantou la cause du premier est perdue d’avance bref c’est la justice kafkaïenne. La colonisation est forte tant et si bien que tous les Baka comme les Bagyelis dans le département de l’Océan parlent les langues des Bantou mais l’inverse n’est pas possible. D’ailleurs beaucoup de bantou les considèrent comme leurs esclaves bon pour les travaux champêtre où ils sont payés en monnaie de singe ; c’est le cas avec quelques allogènes qui ont envahi l’axe Mintom jusqu’à la frontière avec le Congo, la communauté des ressortissants de la Lékié et du Nord-ouest installé ici les regardent avec beaucoup de condescendance et de mépris n’hésitant pas à empiéter sur les terres Baka avec leurs champs et autres plantations.

La situation de ce peuple, malgré quelques investissements tendant à sécuriser leurs territoires, reste cependant très  précaire notamment dans les deux arrondissements que sont Djoum et Mintom. Avec l’évolution des grands projets : l’exploitation minière qui arrive les organisations de société civile craignent le déguerpissement de plusieurs villages, à cela il faut ajouter le projet calcaire de Minton et la construction de la route vers la frontière du Congo qui a déjà drainé de nombreux allogènesdans le coin.

Sécurisation des terres

Dans la recherche des solutions contre les menaces qui les guettent, les Baka proposent entre autres le dialogue intercommunautaire avec les Bantou, afin d’aplanir les divergences et délimiter les espaces ;la légalisation de leurs associations, la formation de leurs leaders, renforcer les capacités des organisations des peuples autochtones et bien définir le profil spécifique propre à chaque organisation ; il souhaite que leurs organisations mutualisent et fédèrent leurs efforts autour d’une action collective. Mais surtout souhaitent ils  voir leurs terrains  titrés et leurs chefs reconnus légalement

Ebénizer Diki, de retour de Mintom

CAMEROUN :un musée d’art vivant pour les  Baka, peuple de la forêt

Un espace forestier de deux cent trente  hectares a été octroyé aux Peuples Autochtones pour célébrer leurs divinités et exposer leurs savoirs endogènes.

Cela fait sept ans que cet espace culturel  établi sur une superficie de 230 hectares  fait la fierté de ce peuple. Le musée d’art vivant Baka est un espace forestier constitué d’habitats traditionnels, encore appelé « Moungoulou » et bien d’autres artifices qui meublent le quotidien des Peuples Autochtones de la forêt au sud du Cameroun.  Ici, on y retrouve   des moungoulous avec des petites chambres, des salles de conférence, de spectacle des stands pour les artisans, des lieux de soin pour malades, des espaces pour la tenue  des palabres etc… le tout sous un couvert végétal composé de grands arbres et  dans une architecture qui respecte l’environnement  et le mode de vie de ce peuple de la forêt. 

L’idée de mettre sur pied ce site voit le jour en 2014,  raconte Francois Mabila, le chef de la communauté avec les organisations de la société civile soucieuses de sécuriser les terres des Baka et de leur garantir  l’accès aux ressources ; elles vont concevoir  un programme baptisé «  Promotion du tourisme et REDD+ dans les communes forestières de Cameroun ». La cible n’était pas seulement les Baka, mais ils en  étaient l’objectif essentiel. Ainsi organisent-elles un premier festival à Djoum qui visait à jeter les bases de réflexion pour voir quel sera l’avenir de ce peuple en matière d’accès à la  terre, de ressources mais surtout leur culture qui est directement liée à leur environnement c’est-à-dire la forêt. Au cours de ces échanges, les Baka émettent le vœu d’avoir un cadre de concertation entre eux, afin qu’ils puissent reconstituer leur patrimoine matériel et immatériel, le perpétuer et le pérenniser à travers des rites et l’initiation gage de leur épanouissement.

Ainsi voit le jour, l’Association des « Kobo » ou patriarches en langue Baka qui choisissent le site d’Assok, le nom du cour d’eau qui ceinture le musée ; Assok signifie  chute en langue locale. Selon le patriarche Daniel  Kobou, plus de 80 ans, le   gardien des lieux, le choix du site n’a pas été facile puisqu’il y avait un endroit similaire dans un village voisin et il  fallait pour ce faire négocier avec les esprits (Ezengue) pour pouvoir les déplacer et les rassembler au même lieu, l’espace d’Assok présentant toutes les caractéristiques qui répondaient aux critères tels que définis par les Kobo. Le patriarche explique que  sa posture de gardien de cette forêt sacrée le met en contact direct avec les esprits de telle sorte qu’il veille à ce qu’aucun visiteur ne vienne perturber la tranquillité de leur divinité. « Si vous êtes habité par un mauvais esprit je vais vous demander de rentrer si vous insistez alors… », confie le vieil homme en substance, sans terminer son propos. Aujourd’hui grâce à ce site les jeunes Baka se réapproprient leur culture, notamment l’habillement, les danses, la pharmacopée, la construction des moungoulou, la procédure nuptiale, et la chasse.

Les anciens soutiennent que parmi les valeurs perdues par la société baka il y a le respect de la belle-famille par le marié : « auparavant on ne mangeait pas là où se trouve sa belle-famille, il vous était interdit de hausser le ton devant la famille de son épouse, aujourd’hui ce n’est plus le cas »  regrette,        Ndoutoumou Ndongo Jean ancien, conseillé municipal Baka de Zoebefam à la commune de Mintom. Le musée apparait donc aux yeux de tous comme un moyen de replonger les jeunes dans la culture de leurs ancêtres.

Ezengue : l’intercesseur

C’est ce lieu agréé par le ministère des arts et de la culture qui a abrité le deuxième festival de 2015 qui a permis aux nombreux visiteurs venus des quatre coins du Cameroun et de l’étranger, de vivre et toucher du doigt le patrimoine authentique de ce peuple. Le  quatrième  festival s’y est déroulé février – mars 2022. La visite de ce site est cependant assujettie à quelques rites : l’étranger n y accède pas seul, il doit être présenté à leur Ezengue par le gardien du temple ou être accompagné par un membre de la communauté. Dans cette forêt où règne un calme de cimetière, seul les cris des oiseaux, de quelques insectes et surtout les chutes d’eaux de la  rivière Assok et les émanations sylvestres  accompagnent le visiteur en quête de concentration et de méditation. 

Danse Baka

Dans la cosmogonie Baka, l’Ezengue (esprit  de la forêt) joue un rôle très important, il est pour ce peuple ce que Jésus Christ est « pour les chrétiens » souligne un ancien du village.  Il est l’intercesseur entre le peuple et le Divin, c’est lui qui les protège contre toute puissance maléfique, il leur indique les traitements à administrer aux malades, il les instruit sur la marche de la communauté. C’est peut-être ce qui explique les sollicitations incessant de leur gris-gris par les Bantou.

Tout touriste qui arrive pour la première à Mintom demande à effectuer un tour au musée et rencontrer ce peuple de « magiciens » nous explique un habitant de la localité.  Selon certains, chaque chef de communauté a son ézengué. Pour le garder il faut surtout que les habitations soient entourées de forêt ; faute de quoi il s’en fuit ; c’est le cas du chef, Calvin Nkoulou de la communauté de Mveng dans l’arrondissement de Djoum  qui ne cesse de se plaindre de l’encerclement de leur campement par les maisons  des bantou, ce qui, à l’en croire, aurait fait fuir son ezéngué. Il souligne cependant que celui- ci pourrait revenir si leurs maisons côtoyaient   directement  de la forêt.                                                                                

PEUPLE MARGINALISE.

Peu avant l’indépendance du Cameroun, beaucoup de ces peuples autochtones vivaient dans des campements très loin dans la forêt, leur milieu naturel.  Leur présence  dans les villages qu’ils occupent aujourd’hui s’est faite de deux principales façons : d’abord par  l’entremise d’un Bantou qui en  faisait son chasseur : étant donné qu’ils maitrisent la brousse, les animaux et les techniques de chasse. Le Baka devait donc chasser du gibier pour son maître ; en retour il recevait des soins de toute nature du Bantou, parfois celui-ci se proposait de lui doter sa femme.

Lorsque la communauté devenait importante, le maître leur donnait un lopin de terrain pour y vivre. Seulement à la mort du bienfaiteur, la famille ou le village entier leur conteste systématiquement la propriété foncière coutumière des terres occupées, malgré le temps passé sur place. Beaucoup parmi eux ont perdu toute attache avec l’ancien lieu d’habitation, ils n’y ont plus jamais mis pied.

Ensuite il y a  les autorités.  Au lendemain des indépendances, ces dernières  soupçonnant les Baka de soutenir les maquisards, elles vont leur demander de quitter la forêt pour venir s’installer dans les villages  situés  aux abords de la route afin de mieux les surveiller. C’est le cas des communautés des villages Myata  et Minko’o dans l’arrondissement de Djoum, où le sous-préfet de l’époque Ekono Nlatte les  avait installés. Malheureusement pour eux les Bantou leur arrachent tout réduisant leur espace de vie à une portion congrue. Les rapports pour tout dire sont ceux de maitre à esclave.

Moins instruits et moins nantis, ils n’ont pas voix au chapitre, même quand ils sont premiers notables dans les  chefferies, ils sont rarement conviés aux tenue de palabre ; en cas de conflit entre un Baka et un Bantou la cause du premier est perdue d’avance bref c’est la justice kafkaïenne. La colonisation est forte tant et si bien que tous les Baka comme les Bagyelis dans le département de l’Océan parlent les langues des Bantou mais l’inverse n’est pas possible. D’ailleurs beaucoup de bantou les considèrent comme leurs esclaves bon pour les travaux champêtre où ils sont payés en monnaie de singe ; c’est le cas avec quelques allogènes qui ont envahi l’axe Mintom jusqu’à la frontière avec le Congo, la communauté des ressortissants de la Lékié et du Nord-ouest installé ici les regardent avec beaucoup de condescendance et de mépris n’hésitant pas à empiéter sur les terres Baka avec leurs champs et autres plantations.

La situation de ce peuple, malgré quelques investissements tendant à sécuriser leurs territoires, reste cependant très  précaire notamment dans les deux arrondissements que sont Djoum et Mintom. Avec l’évolution des grands projets : l’exploitation minière qui arrive les organisations de société civile craignent le déguerpissement de plusieurs villages, à cela il faut ajouter le projet calcaire de Minton et la construction de la route vers la frontière du Congo qui a déjà drainé de nombreux allogènesdans le coin.

Sécurisation des terres

Dans la recherche des solutions contre les menaces qui les guettent, les Baka proposent entre autres le dialogue intercommunautaire avec les Bantou, afin d’aplanir les divergences et délimiter les espaces ;la légalisation de leurs associations, la formation de leurs leaders, renforcer les capacités des organisations des peuples autochtones et bien définir le profil spécifique propre à chaque organisation ; il souhaite que leurs organisations mutualisent et fédèrent leurs efforts autour d’une action collective. Mais surtout souhaitent ils  voir leurs terrains  titrés et leurs chefs reconnus légalement

Ebénizer Diki, de retour de Mintom

Leave a Reply

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *