Une audience s’est tenue le 23 août 2022 à Batouri près les tribunaux d’instance de Batouri (département de la Kadey, région de l’Est-Cameroun) dans l’affaire opposant quatre familles ayant perdu leur progéniture dans les sites miniers (en mai 2021) contre la société chinoise Mencheng Wang Woping, pour « violation des prescriptions liées au cahier de charges ». Lors de l’ouverture des débats, le juge Kinda a accédé à la demande de l’avocat-conseil des victimes constitué en juillet 2021 par le Centre pour l’Environnement et le Développement (CED).
Me Dieudonné Tedjisse a sollicité et obtenu un transport judiciaire sur les sites miniers de Kambélé 3 par Batouri afin de constater la matérialité des faits d’excavation des trous non refermés ainsi que la comparution de la prévenue, Mme Lu. Cette procédure judiciaire constitue quelque chose d’inédit de la part du CED. « On essaie d’obtenir une victoire sur un petit nombre pour pouvoir déclencher une action plus grande à l’avenir », déclare le Dr. Samuel Nguiffo, secrétaire général du CED.
« Lorsque les entreprises minières font des excavations pour la recherche de l’or, elles sont tenues de refermer pour éviter des éboulements. Or, en l’état, le fait que cette société organise ce que les populations appellent Sassayé (entrée irrégulière dans les sites miniers) une fois par semaine entraîne des accidents. Un site minier doit être sécurisé pour éviter la présence de personnes non autorisées », affirme l’avocat des parties civiles. Selon ce dernier, c’est un message fort qui, du point de vue symbolique, est envoyé à tous les expatriés et les locaux, pour que leurs actions ne restent pas impunies.
Du point de vue juridique, le CED estime que les dispositions du Code minier camerounais du 14 décembre 2016 doivent être respectées. « Partout où il y a des activités d’exploitation minière, on a des risques importants pour la survie et la santé des populations et pour l’environnement. Il faut arriver à changer la pratique de l’exploitation minière dans notre pays, de l’exploitation de l’or surtout », explique le Dr. Nguiffo.
A sa suite, Me Tedjisse est d’avis que la procédure judiciaire engagée va faire jurisprudence. « Si le tribunal a commencé à accéder à l’idée d’un transport judiciaire, cela veut dire qu’elle a trouvé la portée de ce qu’il y a à prendre comme décision. Le Cameroun est un Etat de droit. Les sanctions et décisions prises vont être appliquées », soutient-il. L’affaire a été renvoyée au 27 septembre 2022.
Plus de 200 décès enregistrés dans les mines de l’Est en six ans, selon le CED
Le 31 mai 2021, plusieurs décès ont été enregistrés dans les mines de Kambélé 3, dont ceux de Constantin Barka (34 ans) qui a laissé trois enfants, Wilfried Mekonda Wilfried (28 ans) et Youssouf Tahar (16 ans), expatrié centrafricain et élève au lycée bilingue de Batouri. Les familles des victimes souhaitent que les entreprises coupables soient sanctionnées afin que justice soit faite. Les statistiques du CED font état de ce que plus de 200 décès ont été comptabilisés dans les mines de la région de l’Est au cours des six dernières années.
Le 27 juillet 2022, le préfet du département de la Kadey, Djadaï Yakouba, a décidé de la fermeture jusqu’à nouvel ordre de toutes les sociétés minières en activité à Kambélé. La décision était motivée par les morts récurrentes de personnes par noyade du fait de la non-fermeture des trous miniers après exploitation, les morts récurrentes de personnes par éboulement du fait du non-respect des normes d’exploitation minière et la menace de la dégradation de la route nationale numéro 10, au PK44+820 due à l’obstruction du lit de la rivière Djengou par des coulées boueuses.
Kenfack