Ils sont en première ligne pour faire éclater la vérité sur les réseaux mafieux qui gangrènent la filière bois dans le bassin du Congo. Du 22 au 23 septembre 2025, une vingtaine de journalistes camerounais ont pris part, à Kribi dans la région du Sud, à un atelier de renforcement de capacités en journalisme d’investigation sur la chaîne d’approvisionnement du bois. Une initiative conjointe de Greenpeace Afrique et de Transparency International Cameroun, dans un contexte où l’exploitation illégale des forêts demeure un fléau silencieux et destructeur.
Selon Interpol, l’exploitation forestière illégale représente jusqu’à 30 % du commerce mondial de bois, et jusqu’à 90 % dans certaines zones tropicales clés, notamment en Afrique centrale. Chaque année, cette criminalité environnementale génère entre 51 et 152 milliards de dollars de profits illicites à travers le monde. En Afrique centrale, le bassin du Congo – deuxième plus grand massif forestier tropical de la planète – est l’une des régions les plus touchées.
Face à cette réalité, les journalistes réunis à Kribi ont été formés aux techniques d’enquête sur le terrain, à l’usage d’outils numériques de traçabilité, et à l’analyse des permis d’exploitation et données d’exportation. Objectif : mieux documenter les dérives dans la chaîne de valeur du bois, du site d’abattage jusqu’au port d’embarquement. « Pour nous, journalistes, l’enjeu, c’est de retracer le chemin du bois. Comprendre sa véritable origine, sa destination. Et ça, c’est une révélation : le bois a tout un parcours qu’on peut — et qu’on doit — documenter », témoigne Guillaume Aimée METE, journaliste participante.
Cette démarche est d’autant plus cruciale que l’opacité règne dans le secteur. Des concessions fictives, des permis falsifiés, des exportations dissimulées… autant de pratiques illégales qui alimentent une économie parallèle destructrice pour les forêts et les communautés locales.
En ce sens, Claude HYEPDO, coordonnateur national de Transparency International Cameroun, rappelle le rôle central de la presse : « Les journalistes ont un rôle indispensable à jouer pour améliorer la gouvernance climatique. Ils sont essentiels pour qu’on ait une gestion plus responsable de nos forêts. » En effet, malgré l’existence de cadres juridiques nationaux et internationaux, le manque de transparence, les connivences politico-économiques, et l’absence de sanctions efficaces fragilisent toute volonté de contrôle réel du secteur forestier.
Un engagement citoyen par l’information
Pour Greenpeace Afrique, l’approche vise à déclencher une prise de conscience collective, par la production d’enquêtes rigoureuses et factuelles susceptibles de stimuler l’action publique et citoyenne. « L’environnement est une responsabilité politique. Et pour changer les choses, il faut des faits, de la rigueur et du courage. C’est ce qu’on attend de ces journalistes », souligne Marlvin TANKOH, coordonnateur pays de Greenpeace Afrique. Cette approche s’inscrit également dans le Programme international pour l’intégrité de la gouvernance climatique (CGIP), mis en œuvre par Transparency International, et qui encourage l’investigation journalistique comme levier de transparence.
À l’issue de l’atelier, plusieurs enquêtes seront initiées, avec un accompagnement technique et financier. L’objectif est de documenter des cas précis de criminalité forestière, de fuites fiscales, ou de connivences dans l’attribution des titres forestiers, afin de contribuer à une gouvernance plus juste et transparente des forêts du bassin du Congo.
Boris NGOUNOU