Forêts du bassin du Congo : du gouffre financier à l’or vert ?

Peut-on enfin transformer les forêts du bassin du Congo en véritables moteurs économiques pour les pays qui les abritent ? C’est le pari de la Commission des forêts d’Afrique centrale (Comifac) et du Fond mondial pour la nature (WWF), qui plaident pour une monétisation juste et efficace des services écosystémiques rendus par ces poumons verts. Entre finance carbone, compensation environnementale et flux financiers internationaux, Jonas Kemajou Syapze, expert en financement climatique au WWF, décrypte les mécanismes qui pourraient faire basculer la gestion forestière du statut de charge à celui de levier de développement.


Peut-on enfin transformer les forêts du bassin du Congo en véritables moteurs économiques pour les pays qui les abritent ? C’est le pari de la Commission des forêts d’Afrique centrale (Comifac) et du Fond mondial pour la nature (WWF), qui plaident pour une monétisation juste et efficace des services écosystémiques rendus par ces poumons verts. Entre finance carbone, compensation environnementale et flux financiers internationaux, Jonas Kemajou Syapze, expert en financement climatique au WWF, décrypte les mécanismes qui pourraient faire basculer la gestion forestière du statut de charge à celui de levier de développement.

La COMIFAC et le WWF s’active depuis début 2024, dans le cadre d’un mécanisme visant l’augmentation des fluxes de financements climatiques en faveur des forêts du bassin du Congo. De quoi s’agit-il ?

Jonas Kemajou Syapze : l’initiative de la Comifac, accompagnée par le Fonds mondial pour la nature (WWF), pour l’augmentation du flux de financement pour les forêts du bassin du Congo, est une initiative qui consiste à identifier les facteurs économiques inhérents aux forêts du bassin du Congo et monétiser ces facteurs ou donner une valeur à ces facteurs et voir comment ces facteurs peuvent être rémunérés par l’ensemble des partenaires internationaux qui œuvrent pour la préservation de l’environnement. Ceci vise tout simplement à faire des forêts du bassin du Congo, non plus des pôles de dépenses comme c’est le cas en ce moment, mais des pôles de recettes.

Parce que lorsque ces forêts deviennent des pôles de recettes, cela voudrait dire que ça génère des revenus au pays du bassin du Congo et partant, les pays du bassin du Congo devraient pouvoir la protéger et tirer le maximum de bénéfices pour leur économie.

Que faut-il faire pour que ces pays du bassin du Congo deviennent des pôles de recettes ?

Pour transformer ces forêts en pôles de recettes, on peut revenir sur la question de facteurs économiques inhérents aux forêts. Je prends quelques cas d’exemples.

Depuis la convention de Rio 1992 qui a induit le développement durable, les pays du bassin du Congo ont pris des mesures en termes de législation forestière, en termes de politiques, de programmes, de projets qui ont permis de stabiliser et de gérer durablement les forêts du bassin du Congo. On peut se demander quels sont les volumes de fonds qui ont été mobilisés pour atteindre cet objectif et envisager dans un futur à court, à moyen, à long terme, quels sont les fonds nécessaires pour poursuivre la gestion durable des forêts.

Une vue de la forêt du Bassin du Congo

Lorsqu’on aura trouvé le montant nécessaire, une question sera posée. Celle de savoir si les pays du bassin du Congo, devront continuer à eux seuls, de mobiliser leur budget pour financer la protection du deuxième plus grand poumon forestier de la planète. Et si nous répondons non, on pourra dès lors identifier les partenaires internationaux, et les moyens par lesquels ceux-ci peuvent contribuer à la gestion durable de ces forêts.

Un autre facteur à prendre en compte, c’est la garantie apportée par les accords de Kyoto de 2005 sur les droits échangeables du CO2. Les forêts du bassin du Congo ont stabilisé un volume important de carbone (Des scientifiques estiment que ces forêts stockent annuellement, environ 30 gigatonnes de carbone, ce qui équivaut approximativement au carbone de l’ensemble de la biomasse forestière aérienne du bassin du Congo, soit l’équivalent de 15 ans d’émissions de carbone par l’économie américaine. Ndlr). Si l’on fait référence à l’article 5 de l’accord de Paris qui parle de la valorisation du stock de carbone, on peut se demander quelle est la valeur de ce carbone et à qui revient la facture de ce carbone ? Aux pays du bassin du Congo ? Ou comment ?

Troisièmement, lorsqu’on parle de flux de carbone, on fait référence aux émissions et à la séquestration. Et quand on sait que le bilan carbone des pays du bassin du Congo est net positif, de près de 1,5 milliard de tonnes de carbone, selon les études de CAFI, on s’interroge. Quelle est la valeur de ce carbone qu’on a pu séquestrer en plus ? Et si l’on trouve la valeur, on veut bien savoir à qui revient le paiement de cette valeur et comment cela doit être payé.

Lorsqu’on a tous ces éléments, on se rend compte que si ces facteurs sont étudiés, analysés, évalués à leur juste valeur et que les négociations sont faites de manière juste et équilibrées pour que ces valeurs soient payées aux Etats, toutes les forêts à haute intégrité du bassin du Congo deviendraient naturellement des pôles de recettes pour les pays. Cela permettrait de donner un coup de pouce à la transition de nos nations, vers une économie verte.

Propos recueillis par Boris Ngounou

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