Entre filets et espoirs : les pêcheurs artisanaux de Limbé face à la crise anglophone

À Limbé, ville côtière du Sud-Ouest du Cameroun, la pêche artisanale (qui fait vivre plus de 2 000 ménages) subit de plein fouet les contrecoups de la crise anglophone. Entre jours de ville morte, insécurité, chute du tourisme et concurrence accrue sur des ressources halieutiques limitées, les pêcheurs tentent de maintenir à flot une activité essentielle à la sécurité alimentaire locale. Selon les données du MINEPIA Fako, la production mensuelle est passée de 63 tonnes en janvier 2025 à 22,5 tonnes en mars, avant une légère reprise en avril. Mais derrière ces chiffres se cache une lutte quotidienne pour la survie et pour la paix.

À Limbé, ville côtière du Sud-Ouest du Cameroun, la pêche artisanale (qui fait vivre plus de 2 000 ménages) subit de plein fouet les contrecoups de la crise anglophone. Entre jours de ville morte, insécurité, chute du tourisme et concurrence accrue sur des ressources halieutiques limitées, les pêcheurs tentent de maintenir à flot une activité essentielle à la sécurité alimentaire locale. Selon les données du MINEPIA Fako, la production mensuelle est passée de 63 tonnes en janvier 2025 à 22,5 tonnes en mars, avant une légère reprise en avril. Mais derrière ces chiffres se cache une lutte quotidienne pour la survie et pour la paix.

Au port de Down Beach, cœur battant de la pêche artisanale à Limbé, les filets flottent entre espoir et désillusion. Les « ghost towns », ces journées où la ville se fige sous les appels à la désobéissance civile, paralysent toute activité. « Nous souhaitons vraiment la fin de cette crise », confie Georges Mbéné, jeune pêcheur. « Sans sécurité, plus de visiteurs, plus d’acheteurs. Nous ne savons pas comment subvenir à nos besoins. ». Les témoignages se ressemblent : la peur a vidé les plages, les restaurants et les marchés de poissons. Les mareyeuses, principales clientes des pêcheurs, ne se déplacent plus. L’économie maritime locale tourne au ralenti.

Des chiffres qui traduisent la tempête

Les statistiques du délégué départemental du MINEPIA pour le Fako, Dr Otang, sont révélatrices. « Pour le poisson artisanal, nous avions 63 tonnes en janvier 2025, contre seulement 22,5 en mars », explique-t-il. « Au début de la crise, certains pêcheurs partaient en mer escortés par la gendarmerie, mais à leur retour, il n’y avait personne pour acheter leurs prises. Aujourd’hui, ils ne pêchent plus les lundis, jours de ville morte. »

Le délégué note aussi une explosion du nombre de pirogues (passées d’environ 20 à plus de 100) du fait de l’afflux de déplacés internes ayant trouvé refuge à Limbé. Cette surpopulation maritime accroît la pression sur la ressource, déjà réduite par la présence des plateformes pétrolières offshore.                                                                                                                                                         

La résilience par la solidarité et l’adaptation

Face à ces défis, les communautés locales s’organisent. Mbongo Paul, président de la coopérative Nosonbo Beach, raconte : « Les pêcheurs ont appris à s’adapter. On s’organise en groupes solidaires, on partage les moyens, et certains diversifient leurs activités avec la transformation du poisson ou de petites ventes. »

Pour Cyndi Karel Ngnah, coordinatrice du site AMCO à Limbé, la crise a également affecté les actions de sensibilisation et de suivi écologique : « Pendant les ghost towns, nos équipes ne pouvaient pas aller sur le terrain. Mais ces périodes nous ont appris à travailler autrement, en formant localement des relais communautaires. » Ces initiatives favorisent aujourd’hui un dialogue constant entre communautés anglophones et francophones unies par la mer.             

Une chaîne de valeur en péril, mais pas brisée

Selon une étude publiée sur ResearchGate (2023), la crise a fragilisé la chaîne post-capture : séchage, fumage, transport vers Douala. La qualité des produits a chuté et les pertes post-récolte ont augmenté. Résultat : la valeur marchande du poisson a reculé de près de 40 %, selon une enquête locale relayée par PMC (2024).

Malgré tout, les pêcheurs continuent de jeter leurs filets, portés par une foi inébranlable. À Down Beach, les coopératives s’ouvrent aux femmes et aux jeunes déplacés, devenant des espaces d’entraide et de cohésion. « Même si la crise a réduit nos revenus, elle nous a aussi rapprochés », confie Mbéné. « Ici, la mer est notre espoir commun. ».                                           

Tableau : Impact de la crise anglophone sur la pêche artisanale à Limbé (2025)                                     Les données contenues dans le tableau ci-dessous permettent d’offrir un aperçu chiffré et contextualisé de l’impact multidimensionnel de la crise anglophone sur la filière pêche à Limbé. C’est le résultat d’un croisement de sources locales et documentaires notamment des statistiques officielles du ministère de l’Élevage, des Pêches et des Industries animales (MINEPIA) du département du Fako, fournies par le délégué départemental Dr Otang, les témoignages directs des pêcheurs et responsables de coopératives de Down Beach à Limbé, ainsi que deux études récentes : l’une publiée sur PubMed Central (PMC, 2024) sur les impacts socioéconomiques des perturbations dans la pêche artisanale, et l’autre sur ResearchGate (2023) relative à la transformation post-capture et à la qualité des produits halieutiques dans la région du Sud-Ouest du Cameroun.
IndicateurSituation avant la crise (2016)Situation en 2025Évolution
Production mensuelle moyenne70 tonnes22,5 à 63,8 tonnes-40 à -70 %
Nombre de pirogues actives20192 (dont 82 semi-industrielles)+860 %
Revenus moyens des pêcheurs100 %En baisse estimée de 40 %-40 %
Jours de pêche mensuels2516 à 18-30 %
Touristes fréquentant Down BeachÉlevéFaible (quasi nul en période de tension)-80 %
Accès aux marchés (mareyeuses)NormalRestreint par insécurité et ghost townsFortement limité

BN: à suivre via le lien ci-dessous, la diffusion du reportage radio issu du même sujet ci-haut, sur les antennes du poste national de la Crtv. Le 20H, édition du 26 octobre 2025.                                                                                

https://drive.google.com/file/d/1kX8t-tHOaEJG1w0foBCxAo27n3xo0chz/view?usp=drive_link

Eliane Marcelle Matsingoum

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